Bonjour,
A mon tour d'apporter commentaires et interrogations ! Globalement, je viens rajouter un peu d'eau au moulin de Pikinette

.
J'ai essayé de comprendre en quoi ce produit Antiscar serait "révolutionnaire".
Admettons qu'il puisse avoir un mode d'action original, s'il est vraiment le premier produit à revendiquer un effet améliorateur de la cicatrisation des plaies chroniques basé sur l'utilisation de tanins (ou tannins). Les tanins sont des molécules extraites de plantes et qui ont la propriété d'interagir sur les protéines ; par exemple on trouve beaucoup de tanins dans la peau et les pépins du raisin, ce qui explique que les vins rouges, lors d'une dégustation, peuvent donner dans la bouche une impression de "raper" (astringence) : c'est dû à l'action des tanins sur les protéines de la salive (pour les oenophiles, voir
ici). Les tanins végétaux sont aussi exploités en tannerie : c'est eux qui, en se combinant aux protéines qui constituent les peaux, leur permettent, une fois traitées ("tannées"), de devenir imputrescibles.
Si j'ai bien compris ce qu'explique Vitrobio, des tanins sont capables d'inhiber les enzymes protéolytiques qui, dans les plaies chroniques, sont à l'origine d'un retard de cicatrisation, ceci parce non seulement nos protéases "digèrent" des éléments néfastes (débris cellulaires par exemple) mais aussi la matrice cellulaire indispensable au bon déroulement des étapes du processus de cicatrisation.
L'auteur explique qu'il a tout d'abord retenu 2 extraits de plantes parmi 128, en utilisant les résultats de tests de croissance de cellules in vitro (donc en laboratoire) ; il s'agissait dans cette étude d'écorce de
Mimosa tenuiflora et de parties aériennes d'
Alchemilla vulgaris, déjà utilisées en phytothérapie.
Puis il a évalué l'effet cicatrisant d'un produit préparé à base de ces 2 plantes, dans du glycérol et du miel, chez 101 patients présentant des plaies chroniques des jambes. La vitesse de cicatrisation a été observée dans un groupe de 56 patients traités par le produit en test, et dans un groupe de 45 patients traités par un placebo (un autre gel avec seulement le glycérol et le miel, sans les plantes).
Les résultats indiquent notamment :
- que la surface de la plaie diminue dans les 2 groupes, en étant plus faible dans le groupe "plantes" ;
- idem pour le volume de la plaie ;
- les plaies du groupe "plantes" restent bien humides et la douleur des patients de ce groupe diminue au fil du temps.
L'auteur de cette étude conclut que des extraits de plantes riches en tanins pourraient jouer un rôle important dans la cicatrisation des plaies profondes, et il recommande des études complémentaires pour mieux comprendre l'action des tanins dans la cicatrisation.
Jusque là, c'est plutôt des observations intéressantes.
Au delà, c'est justement sur cet essai clinique que les avis du laboratoire et de l'ANSM sont divergents :
- le laboratoire Vitrobio estime que cette étude suffit à démontrer l'efficacité de son produit, et sur cette base elle a demandé à la HAS (Haute Autorité de Santé) qu'il puisse être remboursé aux utilisateurs (inscrit sur LPPR = liste des produits et prestations remboursables) ;
- la commission de la HAS, de son côté, rend un
avis où elle estime au contraire que cette étude présente "de nombreux biais et insuffisances méthodologiques", et elle cite (p7) ces insuffisances : une étude en ouvert, sans procédure d'évaluation en aveugle de la planimétrie, une méthode de randomisation et le critère principal non précisé, une description incomplète des caractéristiques des patients, sans analyse statistique de la comparabilité des groupes (petites plaies sur-représentées dans le groupe traité ?, pas d’analyse en intention de traiter, des tests statistiques multiples, un protocole de soins peu réaliste en pratique (jusqu’à 2 réalisations de pansements par jour), et un placébo ayant des propriétés physico-chimique différentes et facilement identifiable.
La HAS conclut que l'intérêt d'Antiscar n'est pas établi par rapport aux alternatives disponibles.
Je trouve qu'un labo est sérieux s'il connaît et répond aux exigences de la HAS pour démontrer l'efficacité d'un produit de santé. Si le produit était révolutionnairement efficace, il m'aurait semblé judicieux de présenter à la HAS une étude correctement menée et qui n'aurait laissé aucun doute sur la valeur de ses résultats.
- Les autorisations pour Antiscar
Alors OK, Antiscar est un dispositif médical qui dispose d'une autorisation de commercialisation, mais il me semble que la seule certitude que cette autorisation implique, c'est des garanties :
- sur la qualité du produit (la façon dont il est fabriqué : dans un labo déclaré, avec toutes les autorisations...),
- sur sa sécurité (l'absence de toxicité du produit est établie).
C'est plutôt bien qu'en France on puisse vendre uniquement des produits de santé qui ne présentent pas de risque ! Par contre aucune garantie sur l'efficacité du produit : des produits aux garanties identiques, il y en a plein les pharmacies et les boutiques internet, et je trouve heureux que tant qu'ils ne sont que "de qualité et sûrs", sans que leur efficacité soit démontrée, ils ne soient pas remboursés.
- L'argument des prix PAEXA et Académie des Sciences :
Attention aussi à cet argument sur lequel insiste largement Quentin : à mon avis ces distinctions n'ont rien à voir avec l'efficacité des produits de Vitrobio, mais sont liés aux efforts du laboratoire dans le domaine de l'expérimentation in vitro, en faveur d'une limitation de l'expérimentation animale.
Alors ça ça m'énerve parce qu'a priori si on échange sur ce forum, c'est aussi pour devenir un peu moins gogo que la moyenne, du coup je trouve particulièrement désagréable d'avoir le sentiment qu'on nous prend pour des lapins de 6 semaines...
En tous cas au total, et pour ce qui me concerne, avant d'acheter ce produit pour traiter mon escarre qui récidive au talon depuis au moins 10 ans, j'exigerais, en échange de mes 26€ 8O , des preuves de son efficacité qui soient des preuves suffisantes.
Bon, pour montrer que je ne tiens pas à faire de l'anti-jeu, je veux bien aussi participer à un essai clinique

, mais seulement si l'essai est mené conformément aux règles méthodologiques faisant consensus, afin de contribuer à quelque chose d'utile aux patients et non seulement au labo.
Je termine sur deux bizarreries :
1. J'aimerais bien avoir des nouvelles de fgamet : il a proposé ce fil le 15 juin, et il reste parmi nous puisque son
profil indique qu'il nous lisait hier soir à 23h19, je me dis qu'il doit bien avoir des commentaires ;
2. Quentin indique
ici une composition à base d'extraits d'airelle et de thé vert : ces plantes ont-elle remplacé celles de la publication de 2011 ?
Pardon d'avoir été longue, j'ai pas su faire plus court pour dire ce que j'avais à dire...