http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3232,50-1146076,0.htmlFin du tabou américain sur les cellules embryonnaires
LE MONDE | 24.01.09 | 15h16
Au lendemain de la cérémonie d'investiture du nouveau président des Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a fait savoir qu'elle autorisait le premier essai clinique américain mené à partir de cellules dérivées de cellules souches embryonnaires humaines. A la différence de George W. Bush qui s'était personnellement opposé à ce que de telles recherches soient financées par des fonds fédéraux, Barack Obama avait pris position en faveur de l'utilisation de ces cellules à des fins scientifiques ou thérapeutiques.
"Compte tenu du nombre des équipes et de la qualité de la recherche américaine, il s'agit là d'une décision très importante pour l'ensemble de la communauté scientifique et médicale internationale", souligne Marc Peschanski (Istem, Généthon), qui dirige une des plus importantes équipes françaises investies dans ce domaine.
Le feu vert de la FDA a été accordé à la société californienne de biotechnologies Geron, qui a demandé à mener un essai clinique de phase I concernant une dizaine de personnes frappées de paraplégie à la suite d'un traumatisme ayant provoqué des lésions importantes de la moelle épinière. Selon le docteur Thomas Okama, président de Geron, cet essai pourrait commencer dès l'été prochain.
FONCTIONS MOTRICES
C'est le premier essai clinique à partir de cellules souches embryonnaires mené dans cette indication. Ce choix a quelque peu surpris la communauté scientifique spécialisée. On pensait en effet que le premier feu vert américain concernerait des pathologies où les recherches sont d'ores et déjà en cours comme l'infarctus du myocarde ou le diabète insulinodépendant.
En pratique, les chercheurs de Geron ont appris à cultiver une lignée de cellules souches obtenue après destruction d'un embryon humain au stade blastocyste. Ils ont ensuite obtenu la transformation de ces cellules en une catégorie particulière de cellules du système nerveux, les oligodendrocytes. Ces cellules jouent un rôle essentiel dans la formation de la myéline, substance qui isole et protège les fibres nerveuses. L'essai prévoit d'injecter ces cellules au niveau de la lésion de la moelle moins de deux semaines après le traumatisme, les chercheurs postulant que les oligodendrocytes injectés permettront de lutter contre les processus inflammatoires, de démyélinisation et de destruction des cellules nerveuses.
Officiellement, il s'agit de vérifier l'innocuité de cette procédure. Les chercheurs espèrent toutefois pouvoir en tirer des enseignements concrets quant à son efficacité, qu'il s'agisse de la récupération des fonctions motrices ou de sensibilité. Ce travail sera mené dans plusieurs centres spécialisés américains.
Avant même que l'essai soit lancé et les premiers résultats connus, la décision de la FDA a été saluée par la communauté scientifique, même si certains redoutent qu'un échec de Geron ne pénalise d'autres initiatives. Plusieurs sociétés américaines de biotechnologies sont déjà concernées. C'est le cas d'Advanced Cell Technology (affections de la rétine) ou de Novocel, qui prévoit un essai clinique chez des personnes souffrant de diabète insulinodépendant.
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 25.01.09
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