Bonjour a tous,
J'ai profite d'une visite en Inde pour prendre rendez-vous avec les responsables de cet essai clinique a l'hopital Manipal, Bengalore-Inde. Voici la traduction de mon rapport d'interview. Merci a Thierry pour son aide a la traduction !
Cet essai est interessant a plusieurs egards. A noter que les responsables ne cherchent pas a prouver 'que ca marche', ils cherchent uniquement a verifier les resultats, quels qu'ils soient, et avouent qu'il reste bien des inconnues meme quant a la facon optimale de gerer ces essais cliniques. Plusieurs aspects peuvent etre discutes, critiques sans doute. Il ne s'agit que d'un essai. A suivre. Ces personnes m'ont semble tres ouvertes et j'espere pouvoir en savoir plus sur l'evolution des patients traites d'ici quelques temps.
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Interview a l’Hôpital Manipal – Bengalore - Inde
Essais cliniques humains– Cellules souches appliquées aux lesions medullaires – Date de l’interview : 2 Mai 2006
Rapport de l’interview entre Jeanmaire, patiente LM depuis 2001 et Dr. N.K. Venkataramana, M.Ch
Departmental Head, Manipal Institute of Neurological Disorders
080-25268901 stemcell@manipalhospital.org.
Rapport en version originale [Anglais] valide par Dr S. Totey, responsable principal des essais.
Dr. Satish Totey, DVM, MS, Ph.D
Director, Stem Cell Research Center,
080-25024600 satish.t@manipalhospital.org
1. Est-ce que Manipal est un hôpital prive ? Comment ces essais cliniques sont-ils financés ?Oui Manipal est un hôpital prive. Les essais sont principalement finances par l’hopital lui même et partiellement par le gouvernement Indien, Departement des Biotechnologies.
2. Combien de patients ont ete traités jusqu’alors ? D’autres patients sont-ils prevus ? Quand seront publies/communiques les resultats ?Douze patients ont ete traites jusqu’a maintenant. Sept patients supplementaires sont en cours de recrutement. Nous avons pu faire une evaluation 3 mois apres la procedure pour le tout premier patient. Bien que la plupart des patients ont montre des signes d’amelioration en terme de sensibilite et des ameliorations concernant les sphincters, ces ameliorations sont, toutefois, toujours tres subjectives. Nous devons encore verifier si cela se traduit par une veritable amelioration fonctionnelle. Manipal devrait etre capable de communiquer les resultats au travers d’une publication d’ici la fin 2006. Jusqu’a lors tous les patients viennent d’Inde.
3. Quels sont les parametres d’inclusion ?Seulement les patients avec une lesion complete sont inclus dans les essais. La lesion doit avoir entre 1 et 6 mois d’ancienneté. ‘Complete’ signifie qu’il n’y a pas de preuve de sensation ni de controle sous le niveau lesionnel dans les 3 semaines après le traumatisme. Nous considerons que, si il n’y avait aucune sensation ni controle dans les 3 semaines apres traumatisme, toute amelioration, le cas echeant, serait imputable a l’injection des cellules souches. Si nous avions choisi de traiter des lesions plus anciennes, les resultats auraient ete troubles par le fait que les muscles se degradent [pour detail, voir
www.stempeutics.com].
4. Est ce que les patients doivent payer pour le traitement ?Les patients inclus dans cet essai n’ont rien a payer pour le traitement lui meme, meme si c’est a eux de payer la pre-evaluation et ils doivent egalement prendre en charge leur programme de reeduction, ce qui reste un probleme majeur pour la plupart des patients. Le traitement lui meme est finance par un fond pour les essais cliniques. Le recrutement des patients est difficile en Inde puisque la plupart d’entre-eux ne sont pas en bonne condition physique du fait du manque de soin apres l’hospitalisation et parce que leur niveau de connaissance est tres limite. Tous les patients proviennent du sud de l’Inde, pour des raisons logistiques. En effet, ils doivent etre capables de se rendre a 10 reprises a l’hopital pour les essais [cela inclut un check-up initial, l’aspiration des cellules souches, les 2 injections et 6 visites de suivi apres le traitement].
5. Pourquoi avez-vous decide de baser l’essai sur les cellules souches autologues de la moelle osseuse ? Nous avons decide d’utiliser les cellules souches mesenchymales parce qu’elles sont meilleures pour les tissus neuraux. Egalement, les cellules souches adultes ont ete choisies plutot que les cellules embryonnaires pour eviter tout probleme ethique ainsi que le risque accru de rejet ou d’infection, même si les cellules souches embryonnaires pourraient avoir davantage de potentiel. De plus, les cellules souches embryonnaires sont plus difficiles a isoler.
6. Comment, et où, les cellules souches ont-elles ete transplantées au niveau de la lesion ?Les cellules sont transplantées dans le fluide spinal central, de facon intrathecale [au moyen d’une ponction, ainsi la procedure n’implique pas de laminectomie ni d’ouverture de la dure-mère]. Il y a des etudes prouvant que les cellules souches migrent vers l’endroit de la lesion lorsqu’elles sont injectees de cette maniere. Il y a une premiere ponction et la procedure est ensuite repetée apres 2 semaines.
La procedure intrathecale a ete preferée a la laminectomie car nous pensons qu’elle est aussi efficace et qu’elle presente moins de risques. Environ 1 million de cellules par kilo de poids du corps du patient sont injectées.
7. Quels sont les risques potentiels du traitement ? Dans quelle periode de temps ces risques pourraient-ils se reveler?Le risque pourrait etre de nature systemique [ndt : relatif à la circulation sanguine générale]. Jusqu’alors, nous n’avons eu de tel probleme avec aucun des patients.
8. Est-ce que cet essai clinique est base sur une etude animale ? laquelle ?Oui cet essai est base sur plusieurs etudes animales qui prouvent l’efficacite potentielle des cellules souches autologues de la moelle osseuse appliquées aux cas de lesions medullaires.
9. Est ce que des agents sont ajoutes aux cellules souches durant leur culture ou leur injection, par exemple des facteurs de croissances ou des facteurs anti-inhibition ?Aucun facteur de croissance n’est ajoute. Seulement les cellules souches sont injectées, pour tester l’efficacite des cellules souches elles-mêmes, pour commencer.
10. D’ou viennent les cellules souches ?Elles sont prelevées de la crête de l’os iliaque [ndt : os de la hanche]. Elles sont testées par rapport à leur stabilite genetique, infections potentielles, et marqueurs.
11. Comment sont-elles cultivées et par qui ? Elles sont cultivées par l’hôpital manipal, en chambre stérile. Cela prend entre 14 et 20 jours pour cultiver les cellules. Les cellules mononucléaires [ndt : lymphocytes, monocytes] sont isolées. Environ 60 ml de cellules sont cultivées pour obtenir 100 millions de cellules.
Le laboratoire de Manipal est approve par le ICMR [principale institution de controle en Inde] et par le comite d’ethique d’Inde. Le laboratoire est un institut certifie GMP
12. Quels seront les criteres pour evaluer l’efficacite du traitement ?Le status medical du patient est suivi, avant et apres la procedure. L’evaluation du patient est basee sur le test SEP [Sensory Evoked Potential] et IRM.
Il y a un effet de mode ces temps-ci concernant les traitements à base de cellules souches et on doit faire attention à ne pas eveiller des attentes exagerées. Meme si elles offriront probablement une reelle chance d’amelioration pour certains patients dans le futur, il reste actuellement encore enormement de questions ou de problemes à regler, ce qui explique que la guerison n’est pas encore possible. Par exemple, les chercheurs ne savent pas encore combien de cellules devraient etre transplantées pour obtenir un resultat optimal. Nous ne savons pas non plus quel est le meilleur timing pour faire cela [à savoir combien de temps apres le traumatisme initial]. D’autre part une question essentielle subsiste, qui est de savoir combien de cellules atteignent reellement l’endroit de la lesion. Jusqu’à present nous ne sommes pas capable de determiner cela. Cependant, il devrait être possible de suivre les cellules en utilisant un marqueur immunologique.
13. Quelles seront les phases suivantes au cas où cet essai se revele en effet efficace ?Le marquage immunologique des cellules souches serait probablement notre phase suivante. Cette technique, qui implique l’insertion d’anticorps, en utilisant les nano-technologies, nous permettront de verifier si les cellules migrent et se developpent comme nous le pensons et si elles se stabilisent au bon endroit. En effet, la migration a ete prouvée par d’autres etudes, mais la stabilisation ne l’a pas ete. Pour ce faire, nous avons besoin de fonds supplementaires pour financer l’investissement necessaire. Nous esperons que ce challenge va devenir realite d’ici quelques mois.
Un essai suivant incluerait aussi probablement l’ajout de facteurs trophiques /facteurs de croissance.
14. Quelle est selon vous la meilleure direction ou strategie pour arriver à la guerison des lesions medullaires ? Les cellules souches embryonnaires, les cellules souches adultes, des combinaisons de traitements ?Les cellules souches embryonnaires auraient tres certainement un plus fort potentiel que les cellules souches adultes. Toutefois, tant les problemes ethiques que les risques de rejet nous menent à privilegier les cellules souches adultes. Pour arriver à des ameliorations majeures pour le patient, il sera necessaire de reactiver les neurones existants en activant des facteurs trophiques.
15. Pensez-vous que nous arriverons à des progres majeurs d’ici quelques années?Il reste enormement de problemes à résoudre, et c’est pourquoi il est difficile de faire des estimations dans ce sens.
16. Quels sont les obstacles empêchant des progrès très significatifs permettant la guerison?Nous avons besoin de davantage de financements et davantage de sensibilisation dans le pays. A la fois les soins pre-hospitaliers et post-hospitaliers doivent etre ameliores en Inde.
17. Que devrait faire votre propre equipe pour faire progresser la science vers la guerison des LM ?Nous devons etre capable d’effectuer la tracabilite des cellules à travers le marquage immunologique et nous devons evaluer les marqueurs biologiques. Cela constituerait un progres majeur pour notre equipe.
18. Est-ce que vous coopérez actuellement avec une universite ou des equipes de recherches en Inde ou à l’etranger ? Est-ce que cela est prevu pour le futur ?Nous n’avons pas de liens en dehors de l’Inde concernant les essais en cours. Cependant un reseau est en cours de developpment en Inde, au sein duquel les chercheurs, les neuro-chirurgiens se rencontrent et essaient d’aligner leurs standards et methodes de travail et d’echanger leur expertise. Une cooperation à l’international serait bien evidemment la bienvenue, même le development d’une telle cooperation à l’interieur de l’Inde est considerée comme une premiere etape necessaire et obligatoire avant de passer aux etapes suivantes.
19. Y a-t-il d’autres conditions pour arriver à des progres majeurs ?La chaine entiere doit être ameliorée, à savoir les soins immediatement apres le traumatisme et apres l’hospitalisation. Ces deux aspects sont totalement sous-developpes en Inde. C’est la raison pour laquelle Dr V. a cree un consortium du traumatisme à Bengalore, où l’on developpe des programmes pour enseigner aux professionnels comment transporter les gens juste après leur accident afin de limiter les dommages causés à la moelle. Jusqu’à present, les bons centres de soins pour les lésions aiguës ne sont pas nombreux en Inde et il n’y a pas de bons centres de reéducation.