Auteur Sujet: article Science et Vie : interview d'Audrey, Présidente  (Lu 4792 fois)

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article Science et Vie : interview d'Audrey, Présidente
« Réponse #1 le: 03 septembre 2005 à 10:57:09 »
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à la une " LES CHIRURGIENS DE L'EXTRÊME "
Ils redonnent vie aux membres des paralysées

Source : Science & vie N° 1056 - Septembre 2005 - p54 à 59

ENJEUX :

Face aux graves lésions de la moelle épinière, la chirurgie restait jusqu'à présent impuissante. Mais plusieurs équipes internationales tentent d'élaborer des méthodes pour la régénérer. Du laboratoire au bloc opératoire, quelques chirurgiens passent timidement le pas depuis 2001. Et de plus en plus de patients se portent volontaires pour subir une intervention. En France, on dénombre plus de 50 000 tétra ou paraplégiques. Chaque année, plus de 2000 personnes perdent l'usage de leurs membres; et 60 % des victimes d'une lésion de la moelle épinière ont moins de 30 ans.


Des greffes de cellules nasales pour restaurer la moelle épinière des paraplégiques. C'est l'audacieux pari qu'a tenté, au Portugal, l'équipe de Carlos Lima. Résultat: les patients retrouvent partiellement leur motricité. Inespéré.

- Un grand sourire s'affiche sur le visage du jeune homme. soutenu par des béquilles et des attelles, Vasco lance sa jambe droite devant lui, puis sa jambe gauche. Lentement, ses mouvements s'enchaînent sous le regard attentif de son médecin. Il y a un an encore, le bas de son corps était comme mort. Aujourd'hui, il a retrouvé le contrôle de ses abdominaux, de certains muscles du bassin et de sa cuisse gauche. A force de concentration, il est désormais capable de traverser seul la grande salle claire où s'entraînent tous les patients du centre de rééducation de Tosha, un établissement flambant neuf situé à une centaine de kilomètres au nord de Lisbonne.

L'ÉCHEC DE LA RÉÉDUCATION
Vasco, 34 ans, est un miraculé aux veux de sa famille et une énigme aux yeux de la médecine académique. Il y a quinze ans, alors qu'il travaille dans la ferme de ses parents, il chute du haut d'un tracteur et se brise la colonne vertébrale au niveau des cervicales. Après six mois d'hospitalisation, le diagnostic tombe sans appel : tétraplégique à vie.
Pendant les treize années qui suivent, le jeune homme reste cloué sur son fauteuil, le torse maintenu par un corset. " J'ai suivi une rééducation intensive, explique-t-il Mais les années passaient et rien n’y faisait. "
Jusqu'à ce que Vasco bénéficie, il y a un an, d'une incroyable opération à l'hôpital Egas-Moniz de Lisbonne. Dans cet établissement, l'un des plus prestigieux du Portugal, une équipe de chirurgiens propose de régénérer la Moelle épinière des patients paralysés en leur greffant leurs propres cellules réparatrices. " Nous prélevons ces cellules dans le nez du patient avant de les transplanter dans sa moelle épinière ", explique le Dr Carlos Lima, l’inventeur de cette autogreffe hors du commun.
« Ces cellules miracles se cachent dans la muqueuse olfactive, au fond de la cavité nasale. Elles ont la capacité, une fois transplantées dans la colonne vertébrale, de guider le développement des nouvelles cellules nerveuses et de reconnecter entre-elles les fibres nerveuses sectionnées après une lésion », poursuit le médecin.
D’autres équipes internationales s’intéressent, elles aussi, aux aptitudes régénératrices des cellules de la muqueuse olfactive (voir fin article), mais le Dr Carlos Lima a été le premier à franchir le pas de l’expérimentation sur l’homme.

« GREFFES COMPASSIONNELLES »
Pour expliquer le processus de régénération des fibres nerveuses dont bénéficieraient ses patients, le chercheur s'appuie sur des travaux fondamentaux réalisés par d'autres groupes de recherches. Or, ces observations portent exclusivement sur des expérimentations animales. Résultat, l'esprit pionnier du médecin portugais est loin de faire l'unanimité dans le monde de la recherche médicale. Au mieux, certains chercheurs affichent une bienveillance distanciée, comme le Dr Féron (Inserm, Marseille) qui, après des années d'études en laboratoire, souhaiterait lui aussi opérer en France. Selon lui, Carlos Lima est " peut-être un bon technicien, mais il se contente de réaliser des greffes compassionnelles en récupérant des conclusions d'études réalisées par d'autres ".
D'autres confrères sont beaucoup plus virulents, comme le docteur Alain Privat, membre éminent de l'Institut pour la recherche sur la moelle épinière et célèbre pour ses opérations de rats paralysés. " Carlos Lima et son équipe sont des francs-tireurs, des marchands d'espoir qui se sont lancés alors que l'on manque totalement de recul pour juger de l'efficacité de cette méthode. "
Le docteur Lima n'ignore pas ces critiques mais estime qu'il doit proposer une solution à des patients pour lesquels la médecine classique est impuissante. Il a d'ailleurs les autorisations officielles de son hôpital et l'avis positif du Comité d'éthique portugais. Depuis quatre ans, le bouche à oreille fonctionne parfaitement. Les patients sont Portugais, Américains, Anglais ou Italiens. L'équipe de l'hôpital Egas-Moniz a déjà réalisé cinquante-trois interventions (voir " Faits & chiffres " ).

" J'AI VOULU TENTER MA CHANCE "
Vendredi, dix-sept heures en ce jour de mai, Jeremy, un Américain de 28 ans, sera le 54ème patient du docteur Lima. Assis dans son lit, il observe, songeur, son fauteuil roulant rangé dans un coin de la Chambre. S'il a traversé l'Atlantique pour la première fois de sa vie, c'est dans un seul et unique but: "remarcher". Dans quelques minutes, il descendra au bloc opératoire pour une intervention de cinq heures.
Et la tension monte imperceptiblement. Mais cet ancien manutentionnaire paralysé de la taille jusqu'aux pieds après un accident de voiture en 2003, refuse de douter de la réussite de l'opération. " L’un des médecins de mon centre de rééducation à Detroit, aux Etats-Unis, m'a parlé de Lisbonne et j'ai voulu tenter ma chance ", se souvient Jeremy.
Début 2005, il envoie son dossier médical à l'hôpital Egas-Moniz. Le dossier comprend les résultats des tests confirmant qu'aucune motricité ne subsiste dans la partie inférieure de son corps. Car seuls les patients totalement paralysés sont opérables. " Nous ne prendrons jamais le risque de détruire des connexions qui fonctionnent encore ", souligne le docteur Lima.
Quarante-cinq minutes plus tard, Jeremy est endormi. Les quatre chirurgiens qui vont mener l'intervention avec le docteur Lima s'équipent dans le vestiaire du bloc opératoire. Premiers arrivés, le Pr Jose Vital et son confrère le Pr Hasse Ferreira. Ces deux neurochirurgiens sont spécialisés dans les Interventions de la Colonne vertébrale. Ils connaissent sur le bout des doigts les gestes qu'ils doivent accomplir ce soir. Ils sont ensuite rejoints par les deux jeunes chirurgiens ORL. ( oto-rhino-laryngologistes), Clara Capucho et Pedro Escada, chargés de prélever le tissu olfactif dans la cavité nasale. Avant l'opération, quelques millilitres de liquide céphalo-rachidien sont prélevés dans la cavité cérébrale de Jeremy. Il servira a maintenir dans les meilleures conditions les cellules nasales avant leur réimplantation dans le rachis. A aucun moment un produit étranger au patient n'entrera en contact avec ses cellules. Il s'agit bien d'une autogreffe, sans aucune transformation du tissu transplanté. Les deux neurochirurgiens observent une derrière fois les clichés radiologiques suspendus au tableau lumineux. C'est à eux d'opérer la colonne vertébrale à l'endroit exacte de la lésion. Ils ouvrent le dos de Jeremy sur quelques centimètres pour accéder à l'épine dorsale. Minutieusement, ils découpent la membrane qui enveloppe la moelle épinière et découvrent la cavité où les fibres ont été détruites. " C'est comme si le courant avait été coupé entre le haut et le bas du corps, les ordres venant du cerveau ne sont plus transmis et les informations qui proviennent des jambes ne remontent plus ", explique le Pr Vital. Les yeux rivés à un microscope, il effectue un « nettoyage » de la lésion, pour faire disparaître les zones nécrosées. " Il s’agit d’une des étapes les plus délicates de l’opération, explique Carlos Lima, resté un peu en retrait. Trop appuyé, le geste risque de créer une nouvelle lésion. Trop léger, il ne permettra pas une repousse correcte des fibres nerveuses ".
Une heure plus tard, la première étape est terminée. Un champ opératoire est posé sur le dos de Jeremy. Les chirurgiens ORL entrent en scène. Pendant une heure, ils vont s'appliquer à prélever le tissu nasal qui comporte les terminaisons nerveuses olfactives, celles-là mêmes qui nous permettent de sentir. " Ce sont les seules cellules nerveuses en contact direct avec l'extérieur ", souligne Pedro Escada, en introduisant une caméra endoscopique dans l'une des narines de Jeremy. Affleurant à la surface de la muqueuse nasale, ces cellules envoient les informations olfactives jusqu'au cœur du cerveau. Très exposée aux agressions extérieures (Microbes, pollution), cette population doit se renouveler tous les deux à trois mois. La muqueuse nasale constitue donc un environnement taillé sur mesure pour la régénération permanente des cellules nerveuses. " Cellules souches neuronales, cellules de soutien, cellules gliales engainantes qui guident la repousse des fibres nerveuses... Tous les types cellulaires ont un rôle précis à jouer, estime Carlos Lima. Voilà pourquoi nous préférons transplanter l'intégralité du tissu prélevé dans la muqueuse nasale plutôt que de sélectionner, puis de cultiver en laboratoire un seul type cellulaire avant de le réimplanter. "
L'opération a commencé il y a trois heures. Dans une petite coupelle remplie de liquide céphalique, Carlos Lima recueille un morceau de muqueuse de 1cm x 3cm. Dans un coin du bloc opératoire, il découpe à l’aide d’un scalpel de petits dés de 1mm de côté. La muqueuse ainsi morcelée est réintroduite par les neurochirurgiens dans la cavité de la moelle épinière.
Cinq heures après son entrée dans le bloc, Jeremy se réveille. Dans quinze jours, il repartira à Detroit. Son opération lui aura coûté 35000 €uros, comme pour tous les patients étrangers. Les portugais, eux, sont pris en charge par leur système d'assurance sociale, même pendant la rééducation.

LE DÉBUT D'UN LONG PARCOURS
Car après l'opération, le parcours ne fait que commencer. Pour obtenir des résultats, les patients devront suivre pendant un ou deux ans un programme de rééducation intensif. " Séances de kinésithérapie, entraînements en piscine, exercices d'équilibre... Les journées défilent à un rythme effréné ", reconnaît Rachel, qui séjourne depuis un an en centre de rééducation de Tosha. C'est là que le Dr Margarida Sizenando consigne, semaines après semaines, les améliorations des patients portugais du Dr Lima. " La jeune Rachel recommence à bouger l'une de ses cuisses depuis deux mois. Cette jeune femme, comme d'autres patients opérés, montre des signes d'amélioration de sa motricité dans la première année suivant l'opération ", explique Margarida Sizenando.
Mais peut-on pour autant en conclure que ces résultats sont dus aux autogreffes du Dr Lima ? Impossible de trancher totalement. En effet, les opérations ne se déroulent pas dans le cadre d'un essai clinique strict, comportant des groupes de patients témoins(non opérés mais suivant la rééducation ou subissant une intervention placebo, puis la rééducation). Objectivement, rien ne permet de savoir si le retour partiel de la motricité chez l'homme est lié à la rééducation intensive, au simple « nettoyage » de zone lésées de la moelle… ou à la greffe du tissu nasal. Mais force est de reconnaître que toutes les expériences sur l'animal vont dans le sens de la dernière hypothèse. CT


FAITS & CHIFFRES :
- L'équipe a reçu l'autorisation d'opérer de la direction de l'hôpital public Egas-Moniz de Lisbonne et l'avis favorable du Comité national d'éthique du Portugal.
- 54 patients européens et américains ont été opérés depuis juillet 2001.
- L'opération dure 5 heures et nécessite l'intervention de 4 chirurgiens (2 neurochirurgiens et 2 chirurgiens ORL)
- Après l'intervention, les patients suivent un programme de rééducation intensive pendant 1 ou 2 années. Les premières améliorations peuvent apparaître dans les 3 à 6 mois qui suivent l’opération.


INTERVIEW D’AUDREY HENOCQUE PRÉSIDENTE D'ALARME, ASSOCIATION LIBRE D'AIDE À LA RECHERCHE SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE

Science & Vie: La régénération de la moelle épinière change-t-elle le regard des patients sur leur handicap ?

Audrey Hénocque: Totalement. Avant les premiers essais de thérapie cellulaire, au début des années 2000, les médecins estimaient irréparables les blessures graves de la moelle épinière. Ils conseillaient la rééducation mais écartaient l'idée de régénération de la moelle. Aujourd'hui, l'espoir est permis...

S & V : Les patients sont-ils curieux des recherches cliniques en cours ?

A. H.: En France comme dans d'autres pays européens, les patients sont trop souvent dans une relation infantile avec leurs médecins. Les Américains sont plus actifs et leurs forums de discussions sur Internet sont une mine d'information. Des noms d'équipes circulent et des patients opérés viennent témoigner. Mais, attention, il est difficile de faire le tri entre les méthodes sérieuses et les charlatans. Notre association (1) s'efforce de faire la passerelle entre le monde de la recherche et les patients.

S & V : Que pensez-vous de la méthode du Dr Lima ?

A. H.: Les mouvements récupérés grâce à cette méthode sont bien réels, même s'ils restent très limités. Un patient qui souhaiterait se faire opérer doit se poser cette question: le jeu en vaut-il la chandelle ?
Passer sur le billard à nouveau, abandonner sa vie professionnelle pour se consacrer à la rééducation pendant des années et tout cela pour récupérer quelques muscles, le choix doit être mûrement réfléchi. L'avis de l'équipe de rééducation est précieux.

S & V : Quel est le profil des patients qui acceptent ces interventions pionnières ?

A. H.: Des patients pour qui toute récupération est bénéfique. Dans le cas de l'équipe portugaise, le retour de la motricité n'est que l'un des objectifs, retrouver une sensibilité, une forme de contrôle de sa vessie peut déjà bouleverser la vie quotidienne. Nous espérons que dans quelques années, lorsque les protocoles seront validés, ces opérations seront devenues une routine pour les hôpitaux. Peut-être même qu'un jour, les blessés médullaires recevront un traitement juste après leur accident et n'auront plus à passer par la paralysie. C.T.
(1) Association Alarme www.asso-alarme.com

D ‘autres équipes tentent de régénérer la moelle épinière

AUSTRALIE Le professeur MacKay-Sim de l'université Griffith, à Brisbane, mène un essai de phase I sur moins de dix patients. Il s'agit de transplants de cellules de la muqueuse olfactive cultivés puis introduits dans la colonne. Les résultats sont attendus pour 2006

FRANCE Le professeur François Féron et le docteur Patrick Decherchi du CHU de Marseille suivent le chemin des Australiens. Les premières greffes pourraient avoir lieu dans deux ans.

CHINE Le professeur Huang de l'hôpital Chaoyang de Pékin a opéré plus de 300 patients en leur injectant des cellules prélevées sur des embryons humains avortés. Mais les patients ne sont pas suivis après l'opération.

BRÉSIL Le Professeur Barros, de l'université de Sao Paulo transplante des cellules souches adultes prélevées dans la moelle osseuse. Les résultats n'ont pas encore été publiés.


Bravo à Audrey, voilà qui propulse ALARME au devant de la scène médiatique !


Jean
Vice-Président

 

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