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Comment retrouver le goût de vivre
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sylvia:
Bonjour Danielle,

ton récit est très complet et je crois qu'effectivement, tu as du y mettre beaucoup de toi ... c'est sans doute ce qui t'a aidée, en tous cas, c'est une analyse très complète.
Je crois que tu as compris d'où vient le problème, en centre, on est dans un milieu "protégé" ... une sorte de cocon ... et puis quand on en sort, c'est la dure réalité qui s'impose et c'est pas facile à vivre, à gérer.
Il faudrait peut-être effectivement une aide psychologique à ton beau-frère ... s'il ne veut pas, évidemment c'est difficile mais est-ce qu'il retourne au centre de temps en temps pour un suivi ? Ce serait peut-être intéressant d'en discuter avec les gens qui l'ont suivi là-bas.
Je crois que vous faites le maximum (et c'est tout à fait remarquable ce que vous faites ! Chapeau vraiment). Je suppose aussi que pour Jérôme, il doit se dire qu'il est à votre charge (même si vous vous en défendez), qu'il n'est plus bon à rien, que sa vie est foutue .... On est tous passés par là, le tout c'est d'arriver à remonter la pente ... et ça, il n'y a pas de recette miracle, c'est différent pour chacun. Je crois qu'il faut surtout aussi penser à vous, il faut que vous partiez quelques jours même si Jérôme ne vous accompagne pas, c'est nécessaire pour vous, votre couple.
On ne peut pas forcer quelqu'un à faire quelque chose s'il ne le veut pas, alors, à votre place, je continuerai à proposer à Jérôme de faire des choses avec vous et s'il refuse, faites quand même l'activité sans lui en lui disant simplement "dommage, c'aurait pu être sympa que tu nous accompagnes" ...
Continue en tous cas de nous dire comment ça se passe, on peut pas te donner de recettes miracles malheureusement, on ne peut que te dire comment nous on a vécu cette passe à vide ...

Bon courage.

danielle:
Bonjour,

Je suis nouvelle sur ce site et j’ai vraiment besoin d’aide. Permettez-moi de vous expliquer la situation :

Je m’appelle Danielle, j’ai 32 ans, suis mariée à Eric (32 ans) et nous avons une petite fille Léa de 5 mois et habitons en Alsace.

Mon mari Eric a un frère Jérôme âgé de 31 ans. Tous les deux ont toujours été très très proche. En août 2004, Jérôme s’est fait renverser sur un trottoir par une voiture et est tétraplégique C6 incomplet. Il a passé de nombreux mois à l’hôpital puis au centre de rééducation. Avant son accident il vivait avec une femme et avait des projets de mariage. A la suite de cet accident, sa copine l’a laissé tomber. Il exerçait la profession de commercial, job qu’il n’a pas pu reprendre après son accident. Il a passé plus d’une année et demie en centre. Durant tous ces mois passés en centre, son moral était plus ou moins bon vu les circonstances, on était tous admiratif de la manière dont il arrivait à tenir le coup. 6 mois après son accident, il a pu commencer à passer les week-end hors du centre. Il était claire qu’il ne pouvait pas habiter seul au début (d’ailleurs l’appartement qu’il partageait avec sa copine était inaccessible et le bail avait été résilié suite à leur séparation), l’appartement de ses parents était également inaccessible et impossible à réaménager alors nous l’avons accueilli chez nous. En ce temps-là nous habitions un plein pied mais pas trop aménagé pour lui, mais on arrivait plutôt bien à se débrouiller et il se réjouissait toujours de pouvoir sortir du centre le week-end. Pendant plus d’une année, nous allions le chercher au centre le vendredi en fin d’après-midi et le reconduisions le dimanche soir. En semaine, nous nous organisions également pour que mon mari et moi passions lui rendre visite 2 fois par semaine. Durant toute sa rééducation, il a été très entouré par ses parents, ses amis et son frère et moi.

Durant sa rééducation, mon mari et moi avons construit une maison. Pour nous, il était évident de construire une maison accessible à Jérôme. Eric et Jérôme ont toujours été très très proche alors il était évident qu’Eric voulait garder un bon contact avec son frère et qu’il puisse venir chez nous autant qu’il le désirait.

Pendant qu’il était en centre, je suis tombée enceinte et nous avons demandé à Jérôme d’être le parrain de notre enfant. Il était fou de joie et cette bonne nouvelle lui a bien remonté le moral.

A sa sortie du centre, il y a 3 mois, Jérôme avait passablement d’autonomie mais vivre seul n’était pas vraiment idéal dès le début pour lui. Eric et moi en avons parlé ensemble et avons proposé à Jérôme de venir s’installer chez nous dans notre nouvelle maison. Il a une grande chambre à sa disposition, une salle de bain totalement adaptée,….

Voilà donc 3 mois qu’il vit chez nous. Nous nous étions mis d’accord Eric et moi que nous devions lui laisser sa liberté, c’est-à-dire que nous allions éviter d’être sans arrêt derrière lui, de le materner. En résumé, nous nous étions mis d’accord de le considérer comme Jérôme et non comme un handicapé. Une infirmière passe tous les matins pour l’aider à faire sa toilette et un kiné vient également passer tous les jours. En dehors de cela il est très autonome. Le soir il se débrouille seul pour se coucher et en journée il se débrouille aussi très très bien pour quasiment tout. Il sait que si il a besoin d’aide pour faire quelque chose que nous sommes là et qu’il peut nous demander à tous moments.

Eric travaille, donc en journée il n’est pas là et moi j’ai un long congé maternité qui va encore durer 9 mois. Je suis donc à la maison pour m’occuper de notre petite Léa. Cela a également l’avantage pour Jérôme de ne pas être seul.

Je dois avouer que ces 3 derniers mois ont été un vrai calvaire et je ne sais plus quoi faire pour changer cette situation. Depuis sa sortie du centre, Jérôme habite donc chez nous et a complètement plongé. Son moral est au plus bas, il ne veut rien faire, rien entreprendre, il se renferme sur lui-même, pleur énormément. Je ne lui en veux pas, je ne sais pas personnellement comment je réagirais si j’étais dans une telle situation, mais cela fait très très mal de le voir ainsi.

Il n’a plus aucun intérêt, il passe ses journées à regarder par la fenêtre et un peu à regarder la télévision. Comme nous vivons ensemble et il faut dire que l’on s’est toujours merveilleusement bien entendu, j’essaie d’un peu le booster et de le joindre à mes activités et parfois à lui demander son aide (p.ex. donner le biberon à Léa, participer à son bain, nous balader, passer du bon temps avec Léa, préparer les repas, faire les courses,…..). Eric et Jérôme faisaient beaucoup de sport ensemble avant l’accident (tennis, natation, vélo, ski, course à pied,….) alors le soir et le week-end Eric essaie également de le joindre à ses activités : p.ex. aller nager ensemble,….

Nous nous sommes dit qu’il était probablement normal qu’au début il ne soit pas très motivé à se joindre à nos activités de la vie de tous les jours mais qu’avec le temps il prendrait du plaisir à p.ex. donner le biberon à Léa et qu’en définitive il trouverait à nouveau ses propres activités qui lui permettront de retrouver goût à la vie. Mais même après 3 mois, il n’a trouvé aucune activité qui l’intéresse, si nous ne lui demandons pas continuellement en insistant de venir p.ex. se balader avec nous, donner le biberon… et bien il resterait à longueur de journée à ne rien faire et à broyer du noir.

Cela devient presque un « combat » continuel pour qu’il fasse quelque chose. Il a eu son anniversaire il y a  3 semaines, comme cadeau, nous lui avons offert un handibike (il avait testé en centre et avait adoré). Nous n’avons pas directement acheté le handibike, nous lui avons fait un bon personnalisé lui disant que nous irons l’acheter ensemble et qu’il fallait qu’il choisisse quelque chose qui lui convienne et adapté pour lui. Il n’a toujours pas voulu nous accompagner pour acheter ce handibike. Nous avons voulu organiser une petite fête pour son anni et inviter ses amis (les amis d’avant l’accident qui ne l’ont pas laissé tomber et ses nouveaux amis qu’il a rencontré au centre) mais il a refusé fermement que l’on fasse cette fête en disant que lui n’y participerait pas. Lorsque ses amis lui téléphonent pour demander de sortir avec eux ou pour demander si ils peuvent venir passer chez nous et bien, si il accepte de répondre au téléphone il refuse à chaque fois alors que Jérôme sait qu’il est chez lui dans notre maison et qu’il peut inviter tous les amis qu’il veut. Parfois, nous avons invité ses amis « par discrétion » et qui sont « soi disant » venu à l’improviste chez nous, ça lui redonne un petit coup de boost au moral mais cela ne dure pas longtemps. Nous lui avons proposé de lui laisser la maison un week-end à disposition afin qu’il y invite des amis pour passer un bon moment (pendant que nous, nous passerions un week-end en montagne), la seule réponse que l’on reçoit c’est : « à quoi bon ». Eric lui a proposé de prendre contact avec des clubs de sports pour handicapés : la réponse est «  ça ne va pas me redonner mes jambes ». Eric et moi avons découvert ce site asso-alarme, dont nous vous en félicitons, nous avons essayé de convaincre Jérôme de venir sur ce site (avant son accident il était passionné d’informatique) mais rien n’a faire, il ne veut pas.

Début juillet nous aimerions partir une semaine en vacances. Nous n’irions pas très loin (max. 4-5 heures de voiture), nous avons proposé à Jérôme de nous accompagner. Si il nous accompagnait nous irions dans un endroit totalement adapté pour lui. La réponse de Jérôme a été « je ne veux pas être un poids pour vous ». Alors qu’il sait pertinemment qu’il n’est pas un poids pour nous (on lui a déjà dit 100 fois), avant son accident nous passions énormément de temps ensemble, nous passions presque toutes nos vacances ensembles. Nos premières vacances avec Léa seraient l’occasion de nous changer d’aire, mais rien d’excitant serait au programme, le but serait de se reposer, se balader,…..

Nous avons également proposé à Jérôme de se faire suivre avec un psychologue pour l’aider à remonter la pente, mais sa réponse a été : « je ne suis pas fou, c’est mon corps qui ne va pas ».

Nous avons parlé de son renfermement à sa kiné et à son infirmière, ils nous ont dit d’essayer de le convaincre d’aller chez un psy pour l’aider à accepter son nouveau corps. On en est conscient, mais si Jérôme ne veut pas en entendre parler, on ne peut pas l’obliger d’y aller de force !

On s’est dit que peut-être on essaie de trop l’intégrer à notre famille et à nos activités, qu’il se sent mal à l’aise, alors on s’est forcé pendant une semaine de vivre avec lui sans lui demander de participer à des activités avec nous. Résultat, cette semaine-là, il l’a passé devant la fenêtre ou la tv, il n’a pas contacté un seul ami, n’est pas sorti de la maison une seule fois, n’a pas passé un seul coup de fil, n’a pas répondu à un seul appel,…. Cela nous faisait mal de le voir ainsi mais on s’est dit que peut-être il aurait un déclic, mais passé une semaine Eric et moi n’en pouvions plus de le voir ainsi et avons décidé de le « réintégrer » dans nos activités.

Jérôme est quelqu’un de fantastique, si nous l’intégrons dans nos activités ce n’est pas par pitié, mais simplement pour faire « comme avant », car avant l’accident on faisait tout ensemble. Jérôme était (avant son accident) quelqu’un de très indépendant, de sportif, de très énergique, il avait la joie de vivre. Mais depuis 3 mois (à sa sortie du centre), ce n’est plus le Jérôme que nous connaissons. Eric et moi ne savons plus quoi faire, alors on s’est dit qu’ici on trouverait peut-être de l’aide et des conseils.

On s’est dit que peut-être la cause de cette déprime (en plus de son handicap) est peut-être le fait de vivre avec nous alors on se demande si on devrait lui proposer de vivre seul dans son propre appartement, mais on n’aimerait pas qu’il se sente « chassé » de notre maison. Jérôme ne nous dérange absolument pas, c’est avec plaisir que nous l’avons accueilli chez nous, mais on se demande si le fait d’habiter avec nous est la cause de sa déprime. Malgré qu’il habite avec nous, on respecte sa vie privée (il a sa propre chambre de 40m2 aménagé à son goût avec lit, salon, tv,…., sa salle de bain personnelle). Il sait qu’il est à la maison sous notre toit et peut faire tout ce qu’il veut. On lui a déjà posé la question si on a fait des erreurs, si il aimerait que l’on agisse différemment avec lui. Il nous répond seulement que l’on ne doit rien changer envers lui, qu’il apprécie tout ce qu’on fait pour lui. Jérôme pourrait vivre seul moyennant beaucoup d’aménagements. Disons qu’il a plus ou moins l’autonomie d’un paraplégique haut mais très peu de flexion dans les doigts et un peu moins de force dans les bras.

On essaie aussi de parler avec lui pour trouver des solutions et l’aider à sortir de sa déprime. Eric et moi avons passablement de contacts, nous pensons que nous pourrions assez facilement trouver une entreprise qui serait d’accord de l’engager à temps partiel pour effectuer des tâches en fonction de son handicap. Jérôme dit que ça ne l’intéresse pas d’avoir la pitié d’autres entreprises. On essaie également de le pousser à refaire son permis de conduire et à acheter une voiture aménagée, mais il nous répond : « pour aller ou ? »

Je sais que sur ce site, la majeure partie d’entre vous, avez aussi subit un traumatisme identique à celui de Jérôme, alors j’espère que quelques personnes voudront bien nous donner quelques conseils pour aider Jérôme.

Je ne peux par avance que vous en remercier vivement

Il s’agit d’un long récit, je vous remercie de m’avoir lu et je dois dire que cela m’a fait beaucoup de bien de l’écrire….
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