Auteur Sujet: "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"  (Lu 5315 fois)

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Hors ligne sylvia

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Re : "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #6 le: 21 avril 2010 à 21:48:41 »
C'est à Zig qu'il faut en demander l'autorisation. Envoie lui peut-être un MP pour lui demander

Bon travail

Hadler

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Re : "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #5 le: 21 avril 2010 à 18:14:26 »
Bonjour,
Je suis étudiant en ergothérapie et actuellement, je fais un mémoire sur la sexualité des blessés médullaires.
Votre texte m'a profondément touché et je vous demande si je peux l'ajouter dans le mémoire afin de pouvoir partager vos sentiments aux lecteurs valides et invalides...
Même avis que bidouette (cf. message précédent), ce n'est pas pour l'analyser mais juste refléter la souffrance de votre handicap pour "secouer" un peu les professionnels médicaux et paramédicaux car la sexualité reste encore, malheureusement, tabou dans ce monde...

Amicalement, Hadler

Hors ligne sylvia

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Re : "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #4 le: 27 juin 2007 à 08:12:09 »
Je n'ai pas ressenti l'image du miroir brisé, pas du tout ... (comme quoi, on ressent tous des choses différentes), par contre, le texte et surtout tout ce qui est derrière les mots est fort, très fort ...
C'est magnifiquement écrit/décrit, c'est plein d'humanité, de vérité ... c'est aussi terrible à lire pour nous que pour les valides qui liront ce texte qui somme toute les remet en question ... dans leurs gestes de valides ... des gestes qui deviennent, par les mots de Zig, à la fois si grands ... et si petits ....
Je crois que très souvent, je repenserai à ce texte.

Hors ligne christ701

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Re : "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #3 le: 26 juin 2007 à 15:39:05 »
Bonjour Zig,

A la lecture de ton texte, j'avais l'impression d'être mis a nu, de lire une personne pour qui chacune de mes envies, chacune de mes pensées n'avaient de secrets.
Ton texte traduit parfaitement  l'image et le ressenti d'un être brisé par l'immobilisme de ce corps que l'on ne reconnaît plus, de ce corps qui ne veut plus vous obéire.
Face à ce texte, beaucoup de femmes et d'hommes auront l'impression d'être devant le miroir de leur passé, seulement pour un miroir brisé, il est toujours possible de recoller les morceaux, la colle pour les humains, à ce jour elle n'existe pas.
Amicalement...........Christian

bidouette

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Re : "Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #2 le: 26 juin 2007 à 10:35:45 »
Mon cher Zig , jamais je n'ai lu un texte d'une si grande émotion et d'une si grande vérité . Je suis trés émue de te lire et tellement proche de ton ressenti bien que je sois femme . Faisant parti du groupe éthique de l'APF , nous réfléchissons actuellement sur la sexualité et le handicap , m'autorises tu à parler de ton texte ? Non pas pour l'analyser mais pour que ton  témoignage soit parole de vérité et de réflexion . Bises , bidouette

Zig

  • Invité
"Vos désirs sont des échos ou des egos ?"
« Réponse #1 le: 25 juin 2007 à 18:20:14 »
VOS DESIRS SONT DES ECHOS OU DES EGOS ?



c'est le petit matin.
elle a dormi une partie de la nuit tournée contre moi. j'étais toute la nuit
sur le dos, elle se collait à moi. à des moments elle posait son bras sur mon
torse pour tenir mon épaule, à d'autres moments elle m'entourait de sa jambe et
enfonçait sa tête dans mon cou.
c'est le petit matin, je m'éveille un peu, je suis toujours sur le dos, elle
est tournée de l'autre côté. je veux me lover contre elle, me caler dans son
dos. la serrer doucement, ne pas la réveiller, me rendormir contre elle.
je suis toujours sur le dos.
je regarde son épaule, je regarde le plafond, son épaule, le plafond, son
épaule, le plafond.
je suis toujours sur le dos. elle dort, elle respire, je l'aime, j'essaye de
respirer.
je suis toujours sur le dos. toujours toujours. je ne peux pas me tourner, je
ne peux même pas glisser ma main dans son dos. mon corps est immobile, le jour,
la nuit. des sangles invisibles contiennent mes mouvements. toujours toujours.
ça n'est pas un fantasme éveillé, ça n'est pas un jeu, ça s'appelle un corps
handicapé. je ressens, j'ai envie, mais.
je vois le plafond, je suis le plafond. j'essaye d'assassiner mon envie, je
cherche à évanouir mon esprit qui me visualise en boucle le geste de se tourner
contre elle. je déteste mon corps, je déteste qu'il se soit réveillé. pas qu'il
se soit réveillé à côté d'elle, mais qu'il se soit réveillé en moi. je serre la
mâchoire, ça ne se fait pas de crier au petit matin. pourtant j'ai une fois de
plus ce silence qui hurle, et la rage qui ne peut se frapper qu'à l'intérieur
de moi. j'ai l'impression que le plafond va me pleurer dessus. j'ai peur que
depuis son sommeil elle perçoive ma rage.
je ferme les yeux, j'écoute sa respiration. la respiration est un des rares
mouvements sur lequel je peux me caler. je suis son rythme, ça m'apaise.
je veux sentir mes poumons contre les siens. je ne comprends pas pourquoi tout
murmure en moi "tourne toi contre elle", puisque c'est un geste qui
n'appartient pas à mon corps, ce geste il n'a jamais pu le faire et il sait
surtout qu'il ne le fera jamais. j'aimerais parvenir à désintégrer ces 'gestes
mentaux'. j'aimerais...

... me rendormir contre elle. que sa présence me montre une fois de plus que
c'est *possible*. ce truc qu'elle sait faire, dénicher les failles dans mes
murs, nous y glisser. je ne vais pas la réveiller, je ne vais pas lui demander
qu'elle m'aide à me tourner, ni qu'elle vienne contre moi. je vais me réveiller
du plafond qui me nargue, de la rage qui aveugle les possibles. je détiens une
solution : qu'un autre corps que le mien ou le sien fasse les gestes.

ça veut dire décorporaliser mes gestes. ça veut dire expliciter et formuler
clairement mes envies, dès le réveil. ça veut dire temporiser mes désirs. ça
veut dire médiatiser ma gestuelle. ça veut dire opérer une cassure dans le
rythme du petit matin, pour tenter de le poursuivre.

ça veut dire appeler l'assistant-e de nuit qui dort dans une pièce à côté de la
mienne, que j'appelle lorsque j'ai besoin de soulager une douleur des membres
enkylosés. la peur est de la réveiller lorsque je vais devoir appeler (à la
voix, assez fort) ou encore que l'assistant-e soit déjà parti-e.
j'hésite plusieurs minutes. je regarde le plafond. plus j'attends, plus il y a
de chance que l'infirmier-e (qui entre sans précaution pour me lever tous les
matins vers 8h30) arrive. je me décide et j'appelle. par chance l'assistant-e
entend du premier coup. W. entre discrètement dans ma chambre. je n'ai pas
envie de regarder son visage, je souhaite qu'ille reste cette ombre debout à
coté de moi, comme venant du sommeil. même je préfèrerais que ce ne soit qu'un
robot sur commandes. je chuchote à l'ombre que "je veux me tourner de ce côté".
l'assistant-e découvre la couette, positionne ses mains sur ma hanche et mon
épaule, et me pivote. j'aime ses gestes, silencieux, discrets. je lui demande
de rapprocher mon bassin contre elle. ille hésite. ille a appris à n'exécuter
que des gestes médicotechniques. je ne veux pas qu'ille tarde, je ne veux pas
la réveiller. "plus près d'elle", je chuchote fermement. ille cale mon corps à
son corps que je sens enfin respirer. je souris dans sa nuque. l'assistant-e me
recouvre de la couette, je lui demande de poser mon bras autour d'elle. ille
emmène mon bras vers son ventre, un peu maladroitement. elle attrape mon bras,
glisse sur ma main. elle soupire comme un sourire. je la serre doucement, elle
appuie son corps au mien, je ferme les yeux. l'assistant-e sort.
je suis immobile contre elle. de cette 'immobilité connectée' qu'elle seule m'a
appris peu à peu à vivre, à ressentir et aimer.


/\/\/\/\/\/\/\/


ce n'était pas vraiment une histoire.
c'était 'juste' un geste : se rendormir contre quelqu'un-e.

ou alors chacun de mes gestes sont des histoires...
des histoires de gestes vers les autres que je ne lis jamais dans Gendertrouble
[http://gendertrouble.org], ni ailleurs. de ces gestes dont personne ne parle,
de ces mouvements 'naturels' qui ne semblent pas être concernés par une
démarche de déconstruction.
j'ai lu beaucoup de gestes qui sont désirés et effectués. ces gestes efficaces
et performants, qui répondent à des désirs, qui enchaînent des envies et des
plaisirs. ces gestes qui se composent entre amant-e-s, pas forcément
d'intimité, mais de technicité. la validité synchrone.
les textes que je parcours sont composés de codes gestuels valides, implicites
et construits. toute cette gestuelle non dite, d'évidence conforme [qui a la
même forme], à lire entre les lignes, voire même en plein dedans, n'est
questionnée nul part dans ce que j'ai pu lire de vous-même qui prétendez
justement déconstruire la pratique de vos corps et vos désirs. avec les
*autres*. je parle de ces autres, ces 'nul part' qui ne peuvent pas conforme ou
qui ne ressentent pas conforme, et qui ne le formulent pas forcément. le fait
que vous acceptiez et reproduisiez tout 'naturellement' ces dispositifs
surjoués de mouvements vers autrui et surtout leurs codifications stratifiées,
à la fois m'exclurait d'office de tous rapports avec vous si je gardais le
silence, à la fois me permet de vous désigner comme étant "les valides".

pourtant je lis souvent comment les valides prétendent à la déconstruction de
leurs rapports de corps... alors-alors je souris du jaune au vert.
quand un-e nouvel-le amant-e valide se retrouve devant moi, je trouve bien plus
souvent dans son corps de la désorientation, de la désillusion, de la
démotivation, de la désolation, de la désatellisation, de la désincarnation, de
la désafférentation, de la décomposition, et surtout de la désertion...  vous
vous avez parlé de déconstruction ?! ah.
moi et mon corps handi, immobile et ultrasensible de plaisirs & de douleurs, on
n'a pas grand chose à déconstruire ; parce que cette société est architecturée
pour les valides, configurée pour leurs corps efficaces, cadencée pour leurs
mouvements équilibrés, accessibilisée pour leurs rencontres et contacts,
organ_isée pour leurs plaisirs. mes fists n'ont rien à y é/branler.

pourtant j'ai lu des gestes désirés et retenus. cette retenue - qu'elle génère
une sensation de contrôle/choix ou provoque de la frustration/impuissance -
reste uniquement contextuelle. j'entends par là, non seulement qu'elle peut
évoluer, se modifier avec vos amant-e-s, ce qui n'est pas le cas d'un corps
comme le mien qui ne détient - contient - qu'un contexte irréversible, un statu
quo(rporel) ; mais en plus que vos expériences contextuelles de frustration ou
d'impuissance ne semblent jamais perturber la structure valide de vos rapports
humains.


/\/\/\/\/\/\/\/



        «Je me rappelle faire du sexe sous la douche,
        debout,
        allongée sur son bureau,
        le chevauchant,
        de côté,
        dans toutes les positions que nous pouvons imaginer»

        dans "Une élève douée"
        --- http://gendertrouble.org/article.php3?id_article=125


je ne pratique pas vos pratiques, peut-être laissent-elles la place à des
expériences hors du cadre de la performance, sans être vécues comme des
défaillances ? peut-être que vos performances ne sélectionnent pas vos
attirances ?
permettez moi d'en douter. et de vous faire remarquer que dans vos écrits sur
vos pratiques, dans l'énonciation de vos reflexions, vous poursuivez une
recherche des fonctions corporelles optimales, et surtout vous conservez une
grille de lecture validiste, comme intouchable (ah ah), hors de toute critique
ou questionnements, hors de toute ébauche de déconstruction.


chair/chèr-e-s valides, qu'est-ce que vous pensez déconstruire dans vos
rapports de corps alors que la plupart de vos gestes sont inconscients et/ou
reproduits ?
si la déconstruction c'est s'enculer avec une bière bio, alors mes amant-e-s et
moi on a une révolution à vous montrer...

je me permets de vous suggérer quelques troubles dans vos genres validistes.


        «mon plaisir revêt une dimension toute particulière
        dès lors que je le maîtrise "entièrement"»

        «prendre du plaisir seul
        me rend moins dépendant des autres individuEs ;
        c’est chouette, l’autonomie,
        surtout quand on sait ce que la dépendance implique»

        dans "Mon plaisir est à moi"
        --- http://gendertrouble.org/article.php3?id_article=39


une des valeurs qui semble prôner dans les textes que je lis, c'est la
valorisation de l'autonomie de plaisir. ouais ouais. "c'est où je veux, quand
je veux, et comme je veux"...
... transformez donc en "c'est où je peux, si je peux, tant que je peux
encore".

mon corps handi n'a quasiment aucune autonomie de plaisir. c'est-à-dire que je
ne peux pas me masturber quand et comme je le veux. vos textes sur la
masturbation (génitale) sont bien mignons, mais il n'est jamais décrit qu'entre
le moment où vous avez ressenti l'envie de vous toucher et le moment où vos
mains atteignent vos sexes : vous vous êtes peut-être déplacé-e-s dans un
espace ; vous vous êtes isolé-e-s ; vous vous êtes positionné-e-s plus ou moins
confortablement dans un lit, un bain, etc ; vous vous êtes plus ou moins
déshabillé-e-s ; vous avez bougé vos jambes, votre bassin, vos bras (vous avez
peut-être attrapé des objets) pour vous donner du plaisir. quelqu'un-e qui a un
corps comme le mien ne peut effectuer aucun de ces gestes.
je ne peux me toucher que la nuit, c'est-à-dire quand je ne suis plus dans mon
fauteuil et qu'un-e assistant-e m'a allongé-e et déshabillé-e. ce qui est
inconcevable à demander la journée, les services professionnels dits
'd'auxiliaires de vie' refusent et condamnent (atteinte à la pudeur, exhib,
etc) toutes demandes du genre. seule ma main droite, si bien positionnée, peut
bouger, un peu, pas beaucoup, bientôt je ne pourrais plus (du fait de la
dégénérescence musculaire engendrée par la maladie). néanmoins encore
suffisamment pour me donner du plaisir. néanmoins insuffisamment pour explorer
seul-e l'ensemble de mes désirs.


ensuite il n'est jamais vraiment explicité comment deux corps valides se
rencontrent. jouer à se battre, danser, rejoindre quelqu'un-e dans un lit,
partager des activités physiques, se masser... je ne dis pas que ça déclenche
forcément du désir entre deux personnes, mais implicitement ça peut. et cet
implicite mets hors-jeu un corps handicapé qui ne dispose d'aucun mouvement ou
pas les mêmes.

sous-entendus ou sous-silences ?...

je ne rêve pas de sous-silences, mais d'hyper-silences.
je rêve de métacommunication où le corps-fonctionnel n'aurait pas une si
évidente dominance et détermination. je rêve que le corps soit un vecteur
modulable, pas un exécuteur.
je le vis avec quelques rares personnes euh inqualifiables (ultrasensibles ?
monstrueuses ? déprogrammées ? connectées ? peauètes ?).
la plupart de mes mouvements vers les autres passent par la parole. on aurait
tendance à penser que les désirs ne s'énoncent pas, que formuler un désir le
tue... tout comme le silence m'isolerait des corps valides. j'ai encore
beaucoup à apprendre pour communiquer mes mouvements de désirs aux autres, à
trouver l'équilibre entre le silence qui immobilise et l'explicitation qui peut
provoquer un sentiment d'enfermement à autrui, à trouver les mots pour des
gestes qui se voudraient anonymes. ça peut faire de moi quelqu'un-e de
maladroit-e (ou muet-te). ce n'est pas facile, rien ne m'a appris à générer du
mouvement depuis mon immobilité...

... ou votre immobilité ?
je parle d'un immobilisme, celui de tous vos mouvements mécaniquement cadencés,
régularisés, comme une grosse machine qui ne veut pas ou ne cherche pas à
fonctionner avec des rouages non-homologués.

il y a quelques années, j'avais tendance à considérer mes amant-e-s comme des
êtres extraordinaires. ces gentil-le-s valides qui osent me toucher, ma vie en
16/9e de La Belle & La Bête... depuis j'ai désillusionné, tant mieux, j'ai
dissipé la magie pour observer les constructions sociales. mes amant-e-s
restent pour moi des personnes hors du commun, mais je ne suis plus La Bête. et
leur caractère 'extraordinaire' peut m'énerver, comme si seules des êtres
d'exception pouvaient atteindre l'exception qu'est un corps handicapé... quand
la marge est créée par la norme (plutôt que la norme soit perturbée par la
marge).

je suis un corps dénué de références pour les valides, du moins pour la plupart
des valides mon corps génère de la peur qui est celle de l'insécurité.
j'entends souvent "je ne te touche pas car je ne sais pas comment te toucher,
j'ai peur de te faire mal"... j'y entends aussi inconsciemment : "je ne te
touche pas parce que je ne m'y reconnais pas, je n'y détiens pas de confort".
oui, pour qui n'a pas l'habitude, me serrer dans ses bras demande de se pencher
puisque je suis assis-e, mon corps ne sera pas vraiment appuyé de tout son long
contre le votre, votre peau touchera autant la mienne que la 'peau métallique'
de mon fauteuil, et mes bras n'ont pas la capacité musculaire de se lever et de
vous étreindre...
oui aucun valide n'a l'habitude de toucher un corps handicapé, mais habitude =
expériences, les 'comment faire' se répondent en le vivant. vous avez peur de
"faire mal" ?! vous faites peut-être plus de mal en ne faisant rien...

j'ai toujours été le guide de mon corps auprès des valides. être contre un
corps handi demande au corps valide d'évaluer de nouveaux équilibres, de
nouvelles forces, de nouvelles limites de mouvements (dûes à des rétractions
musculaires, etc). un corps immobile comme le mien ne détient du mouvement que
par celui du corps de l'autre. pour me retourner et me poser sur le corps
d'un-e amant-e, il va falloir : le verbaliser (dispositif primordial), évaluer
si la personne n'est pas trop fatiguée physiquement, qu'elle se positionne
contre moi, qu'elle attrape mon bassin et mes épaules, qu'on vérifie ensemble
que mes jambes et ma tête sont bien positionnées pour ne pas être bloquées
douloureusement pendant le mouvement, qu'elle ajuste bien sa force à mon poids
pour que nous ne nous retrouvions pas déséquilibré-e-s, qu'elle me cale
sur/contre elle le plus confortablement possible... ça demande à mon amant-e de
l'attention, de l'énergie/force, du dialogue. ça me demande d'expliciter, de me
concentrer, souvent de rassurer, surtout de faire confiance. ça nous demande de
temporiser.
ces gestes peuvent devenir de plus en plus spontanés, mais nos rapports de
corps sont une technique à maîtriser, un apprentissage. tout rapport de corps
est une technique, deux corps valides ne s'accordent pas d'emblée... mais
est-ce que vous réfléchissez particulièrement pour enlever le t-shirt de vos
amant-e-s, pour s'allonger contre ellui, pour enfiler une ceinture de gode,
pour l'embrasser des oreilles aux orteils ?


je lis dans la plupart de vos récits des gestes qui semblent innés
(insignifiants ?), qui ne paraissent jamais râtés, des équilibres plutôt
évidents ; comme une mécanique pré-disposée, à savoir utiliser suivant les
désirs. mes désirs ne permettent pas mes gestes, ils élaborent des
alternatives, ils cherchent sans cesse des possibles, des technicités dont les
modes d'emploi sont à écrire et réécrire.
je regarde toujours impressionné-e comment des ami-e-s se serrent dans les
bras, comment leurs corps s'emboîtent, comment les bras s'actionnent presque
automatiquement. j'ai tendance à mystifier ces gestes, à les considérer comme
uniques vecteurs d'émotions/sensations. je crois que pendant longtemps je ne
réalisais pas ou peu que ces gestes étaient comme une 'validité intégrée' en
moi, qu'en valorisant leur (a priori) efficacité je minimisais mes gestes,
voire je dévalorisais mes possibles.
je ne dis pas que les gestes des corps valides sont dénués
d'émotions/sensations, d'ailleurs j'aime les ressentir. je dis que cette
gestuelle valide pose comme dysfonctionnels des corps handicapés comme le mien,
et que la dysfonction vous appartient : vous accusez mes défaillances, elles ne
sont que les défauts (failles) de vos performances.

je caresse vos failles.

toutefois, dites-moi,
vos corps cherchent-ils à être plus compatibles que sensibles?
que deviennent vos performances corporelles devant un corps immobile ?
que taisent les silences de vos gestes ?
quand dysfonctionnez vous ?
qui déconstruisez vous ?



zig


http://gendertrouble.org/article135.html



 

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