La France doit en finir avec la pitié et agir avec les citoyens «différents» plutôt que pour eux.
Le handicap, véritable baromètre d'humanisation, nous indique que la solidarité recule. Le PIB consacré aux personnes handicapées dégringole de décennie en décennie. Personne ne semble réagir. Pourtant, la question de la place de l'homme et de sa vulnérabilité ne doit plus être évacuée au nom du culte de la performance. Si le citoyen fragile ou différent n'a plus la parole, c'est que la technique a pris une place excessive dans nos rapports avec les autres. Tragique réalité, il est devenu plus rentable de réparer un ordinateur que de soigner un être humain. Signe de cette déshumanisation, les métiers de l'aide humaine sont devenus les moins bien payés.
Refusant ce déclin éthique qui laisse jeunes, personnes handicapées ou âgées au bord de la route, nous devons offrir une alternative citoyenne et créative, dessiner une société fondée sur le respect de la personne et le dialogue. Refusant de vivre sous le règne de l'égoïsme, nous devons reprendre en main notre destin. Il est urgent de retrouver la générosité, l'altruisme qui doit animer toute société dite avancée. Dénoncer les erreurs de gouvernance du pays ne suffit plus. Se tourner vers l'avenir exige de rejeter les derniers vestiges du misérabilisme et de la pitié, du culte de l'apparence et de la performance, et de faire du handicap une vraie chance pour la France.
Comment se reconnaître dans un Etat qui exile des milliers de ses concitoyens dans des instituts spécialisés en Belgique, préférant payer à l'étranger pour des établissements dont il refuse de se doter ? Comment accepter que des milliers d'enfants ne soient pas scolarisés, parce que handicapés ?
La publication d'une «Lettre ouverte de 500 familles de personnes handicapées à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal» nous interpelle collectivement sur l'absence de personnes handicapées en politique, dans les médias, au cinéma, dans la vie culturelle. La France souffre d'une peur de la différence, préférant agir «pour» les citoyens handicapés plutôt qu'«avec» eux.
Pourquoi ne pas ouvrir le débat sur l'introduction de quotas pour les élections au scrutin de liste, une compensation réelle du handicap intégrant tous les aspects de la vie sociale, la professionnalisation des nouveaux métiers de l'aide humaine, l'embauche de journalistes et d'acteurs handicapés sur les chaînes publiques, l'ouverture du débat tabou sur l'assistance sexuelle, la prévention de la maltraitance en établissements, le droit à l'adoption (l'handi-parentalité), le droit de vote pour tous, y compris des personnes sous tutelle, le droit de créer des syndicats en CAT (Centre d'aide par le travail) ?
Une nouvelle grande loi de mobilisation nationale pour la réconciliation de la nation et du handicap pourrait voir le jour à partir d'objectifs quantitatifs clairs et évaluables. Intégrer le travail de réflexion des citoyens handicapés et des familles ouvrirait de nouveaux horizons humanistes à notre République. Après un XXe siècle obsédé par la quête de la race ou la lutte des classes, nous savons que la reconnaissance de la différence et des minorités est non seulement le moteur de nos démocraties mais la condition même de sa survie.
http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/200733.FR.phpVous pouvez en cliquant sur le lien ci dessus, aller lire les réactions des internautes à cet article.