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Les troubles vésico-sphinctériens des blessés médullaires – complications potentielles [/u]La survenue d'une lésion de la moelle épinière est à l'origine d'un tableau de déficience multisystémique avec au premier rang, en terme de morbidité potentielle et de retentissement sur la qualité de vie, le dysfonctionnement vésico-sphinctérien. Les complications liées à ces troubles ont longtemps représenté la première cause de mortalité et de morbidité de ces patients et leur prévention reste un enjeu majeur. L'analyse des causes de mortalité, de morbidité et de l'évolution de L'espérance de vie a fait l'objet de nombreuses publications. Ainsi la mortalité d'origine urinaire était évaluée dans les années 1950 à 43%, dans les années 1980-90 à 10%. Toutefois ta morbidité d'origine urinaire reste toujours élevée en terme d'infection (20 % d'incidence annuelle et 2° cause de réhospitalisation) ou d'altération de l'arbre urinaire. Si le risque de décès lié à une complication urinaire diminue de moitié à chaque décennie depuis 50 ans comme l'a démontré Frankel, ces complications restent parmi les causes princeps de décès et le risque s'accroît avec les années. La diminution de la morbidité et de la mortalité d'origine urinaire est liée à la meilleure connaissance de la physiopathologie, à l'avènement et au caractère prédictif de l'urodynamique, ainsi qu'à l'avènement au début des années 1970 de la technique d'autosondage, technique qui allait révolutionner nos prises en charge. Pour résumer avant les années 1970 il fallait à tout prix vider sa vessie, selon l'équation résidu = infection, aujourd'hui nous savons que l'important n'est pas de vider sa vessie mais de savoir à quel prix on la vide, nous y reviendrons. L’infection urinaire : L'existence de résidus, de hautes pressions intravésicales, de sondages est à l'origine dans ces neurovessies d'un risque majeur d'infection urinaire. Celle-ci reste toujours en terme de morbidité la deuxième cause de réhospitalisation. La fréquence de ses infections est variable et souvent fonction du mode mictionnel. Les drainages continus (sonde à demeure, cathéter sus pubien) représentent les facteurs de risque les plus importants en terme d'infection urinaire. En revanche, sous sondage intermittent, s'il existe une bactériurie fréquente, le taux d'infection urinaire clinique est faible et moindre que dans les autres modes mictionnels. Il convient à ce propos de préciser ce que l'on entend par infection urinaire dans ce contexte de vessie neurologique. Ceci a fait l'objet d'un consensus nord-américain en 1992 (National Institute on Disability and Réhabilitation Research) permettant de mieux préciser les critères diagnostiques de ce que l'on appellera une bactériurie significative et ceux d'une infection vraie avec signes cliniques. Une bactériurie significative est une colonisation de l'arbre urinaire sans signes cliniques. Le seuil de significativité dans ce contexte dépend du mode mictionnel. L'infection urinaire, impose quant à elle, une traduction clinique résultante de l'invasion tissulaire par les bactéries. Les symptômes cliniques classiques sont la fièvre et les frissons mais aussi des signes parfois plus subtils et spécifiques tels une aggravation de la spasticité, la survenue ou la majoration de fuites ou de difficultés mictionnelles, l'existence d'urines sales, hématuriques ou malodorantes, de douleurs vésicales ou lombaires, d'une sensation de malaise général ou d'inconfort, enfin l'existence de signes végétatifs telles des sueurs sus lésionnelles. C'est dire si les signes d'appel peuvent être variables et fonction du niveau d'atteinte neurologique. Toutefois la définition d'une infection urinaire doit associer au moins un de ces symptômes et une bactériurie significative et ce n'est que dans ce cas d'infection clinique qu'un traitement antibiotique doit être mis en place. Les bactériuries asymptomatiques ne doivent pas être traitées, et il ne sert donc à rien de pratiquer des ECBU (Examens CytoBactériologiques des Urines) systématiques dans le suivi de ces patients. De la même façon, une chimioprophylaxie systématique (antibiothérapie préventive) ne diminue pas le risque d'infection clinique et augmente le risque de résistance des germes. Certaines thérapeutiques adjuvantes comme le sirop de canneberge par leur pouvoir d'acidification des urines semblent être parfois bénéfiques, même si non totalement validées, chez le patient neurologique. L'existence d'infections urinaires cliniques récidivantes chez un patient blessé médullaire impose un bilan spécifique à la recherche de modifications de l'équilibre mictionnel (résidu), de hautes pressions intravésicales, de complications (reflux, hydronéphrose, lithiases). L’infection génitale : Les complications infectieuses génitales (épididymite, prostatite) peuvent retentir sur la fonction de procréation. Il est donc important de les prévenir. Les modes mictionnels à risque sont la sonde à demeure et les mictions à hautes pressions. Si l'autosondage ne permet pas d'éliminer ce risque, il semble toutefois plus protecteur. Les lésions uréthrales : La sonde à demeure chronique est le mode de drainage le plus pourvoyeur de lésions du canal uréthral : rétrécissements pouvant être préjudiciables sur la miction, surtout escarres de l'urèthre de traitement extrêmement difficile (fistule peno-scrotale). La prévention de ces lésions passe par un positionnement correct de la sonde relevée et fixée sur l'abdomen et des changements de sonde réguliers fonction du type de sonde. Sous sondage intermittent, l'existence d'une hypertonie du sphincter peut être à l'origine de traumatismes uréthraux répétés, source potentielle de rétrécissement. Ce risque sous sondage intermittent n'est pas négligeable et notamment après 10 ans d'autosondage. Il convient d'être vigilant quant à l'existence de difficultés de sondage croissante et notamment des difficultés de retrait de la sonde (phénomènes de sonde captive). Les lithiases : À la phase initiale, elles sont le plus souvent de nature calcique et liées à l'hypercalciurie, conséquence de la perte calcique du squelette souslésionnel. Elles sont largement favorisées par l'existence d'une sonde à demeure ou d'un cathéter sus pubien notamment en ce qui concerne les lithiases vésicales A la phase chronique, ces lithiases sont plus liées à l'infection urinaire récurrente. Elles sont largement corrélées aux modes mictionnels et, là encore, le rôle particulièrement délétère des drainages continus a été démontré. La dégradation du haut appareil : Reflux vésico-urétéral, dilatation du haut appareil (Hydronéphrose) peuvent être les conséquences d'une neurovessie mal suivie et mal équilibrée. Nous savons aujourd'hui en effet que ces dégradations du haut appareil sont liées à de hautes pressions intravésicales : Hypercontractilité et surtout dysynergie des neurovessies centrales, trouble de la compliance (difficulté de la vessie à se laisser remplir sans élever ses pressions) des neurovessies périphériques. Ces pressions élevées sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont prolongées. Seul l'examen urodynamique pratiqué par une équipe spécialisée permet de les dépister et d'adapter une stratégie thérapeutique permettant de prévenir toute dégradation. Les facteurs de risque de dégradation sont donc les hautes pressions dans la vessie, et certains modes mictionnels : là encore, la sonde à demeure est la plus grande pourvoyeuse de complications, mais aussi les mictions réflexes à hautes pressions. L'autosondage lorsqu'il est possible, associé à la genèse de pressions basses si nécessaire, est le mode mictionnel le plus protecteur. Si le risque est majeur les deux premières années, cette dégradation peut survenir à tout moment imposant ainsi un suivi spécialisé tout au long de la vie du blessé. Trop de patients, encore aujourd'hui non suivis, sont revus en consultation une fois la dégradation installée. Les modifications de l'équilibre vésicosphinctérien peuvent être liées à un vieillissement tel l'épuisement d'une vessie se contractant de façon réflexe depuis des années, à une modification du régime de spasticité, à des modifications neurologiques induites par une syringomyélie. En résumé : les patients présentant un haut risque de dégradation du haut appareil sont les patients soit en sonde à demeure, soit urinant de façon réflexe à hautes pressions, mais aussi les patients éloignés géographiquement de leur centre de référence et les patients non informés d'un suivi régulier. Sonde à demeure et risque de cancer de la vessie : Nous savons aujourd'hui que l'utilisation de la sonde à demeure au long cours expose les patients au développement d'un carcinome épidermoide de vessie : ce risque est 25 fois celui de la population générale à partir de plus de 10 ans de sonde à demeure, et dans la population de blessés médullaires 5 fois plus important par rapport aux autres modes mictionnels. Le suivi : Il devra être au moins biannuel les deux premières années puis sa fréquence sera déterminée en fonction de facteurs de risque notamment urodynamique. Pratiquer des ECBU (Examens CytoBactériologiques des Urines) systématiques ne sert à rien : tout au plus, cela induit des traitements injustifiés ou cela peut-être faussement rassurant. De même, le résidu post-mictionnel, n'est en aucun cas à lui seul un élément de bon pronostic et doit être corrélé au type de dysfonctionnement. La réalisation simple d'une imagerie (échographie, UIV) constate éventuellement un arbre urinaire normal ou bien une dégradation déjà installée et il est déjà bien tard. Le suivi longitudinal doit inclure une expertise clinique, urodynamique et un contrôle du haut appareil. C'est l'urodynamique qui nous dira s'il existe des facteurs de risque, et devant la constatation de ceux-ci les stratégies thérapeutiques seront modifiées dans un but de prévention. C'est à ce prix que la morbidité induite par les troubles urinaires a pu diminuer, et c'est à ce prix qu'elle diminuera encore. Les stratégies thérapeutiques sont tellement multiples qu'elles imposent une équipe rompue à la neuro-urologie. En conclusion : Retenons que les dysfonctionnements sont multiples et fonction du type de lésion. La prise en charge devra s’attacher à prévenir les complications, à assurer qualité de vie et confort au patient. Surtout, les complications ne sont pas inéluctables et peuvent être prévenues par un suivi bien conduit. Dr Brigitte Perrouin-Verbe Chef du service de Médecine Physique et de Réadaptation Hôpital St Jacques de Nantes Tel : 02 40 84 60 47 (consultations) brigitte.perrouinverbe@chu-nantes.fr