Compte rendu du congrès de Barcelone / 2e conférence internationale sur la réparation de la moelle épinière

 

 

Compte rendu du congrès de Barcelone

2e conférence internationale sur la réparation de la moelle épinière,  organisée par la fondation Step-By-Step

La deuxième conférence internationale sur la réparation de la moelle épinière, organisée par la Fondation Step-By-Step, s’est tenue les 26 et 27 avril 2013 à Barcelone. Ce fut l’occasion de réunir des cliniciens, des chercheurs-cliniciens et des biologistes moléculaires, originaires de plus de 10 pays, pour faire le point sur les avancées dans le domaine des traumatismes de la moelle épinière et de promouvoir des approches concertées pour le traitement de ce problème complexe.

L’inflammation, une aide  à la réparation ?

Michal  Schwartz  (Weizmann  Institute  of  Science, Rehovot,  Israël)  est  intervenue  en  contestant  le postulat selon lequel les cellules microgliales activées  et  les  cellules  immunitaires  infiltrantes  sont préjudiciables à la réparation de la moelle épinière. Elle a en effet démontré que les monocytes favorisent  une  bonne  récupération.  Ce  sont  les  premières cellules du système immunitaire à être activées, en réponse à l’interleukine 10 (IL-10) et à la métalloprotéase 13 (MMP-13), deux molécules qui jouent un rôle clé dans l’inflammation et la dégradation de la cicatrice gliale. Une meilleure compréhension des réponses immunitaires innées et adaptatives qui se produisent après un traumatisme devrait aboutir à de nouvelles thérapies basées sur l’exploitation des mécanismes mis en œuvre par l’organisme lui-même.

Le rôle des greffes de nerfs,  en association avec des facteurs trophiques

Mikael Svensson (Karolinska Institutet, Stockholm, Suède) a  décrit  les  progrès  de  la  micro-chirurgie pour  réparer  la  moelle  épinière  avec  des  greffes de nerfs périphériques et le facteur de croissance FGF1.  Cette  technique  a  déjà  donné  des  résultats positifs. Pour faciliter la greffe de nerfs périphériques,  le  groupe  a  mis  au  point  un  support biologique et il s’attache aujourd’hui à développer un nouveau dispositif biodégradable, composé de sulfate  de  calcium,  dans  lequel  sont  insérés  les nerfs,  avec  ou  sans  FGF1.  Des  résultats  préliminaires indiquent que, 20 semaines après la greffe, des rats dont la moelle a été sectionnée au niveau T11  récupèrent  une  partie  de  leur  locomotion  et exhibent des potentiels évoqués moteurs dans les membres inférieurs. Cette amélioration a été corrélée à une repousse de certaines fibres nerveuses. Ces travaux confirment que la régénération de la moelle épinière peut être partiellement obtenue par la combinaison de greffes de nerfs périphériques et des facteurs de croissance.

 La famille Wnt, cible thérapeutique ?

Francisco Javier Rodriguez (Hospital Nacional de Parapléjicos, Tolède, Espagne) a souligné l’intérêt thérapeutique de la famille des glycoprotéines Wnt (Wingless Integration Site) dans la réparation de la moelle épinière. Son équipe a démontré, dans un modèle rat, que le traumatisme induit un changement important dans l’expression des ARN messagers  des  Wnt  et  de  leurs  récepteurs,  appelés Frizzled.  Le  blocage  d’un  de  ces  récepteurs  a provoqué une réduction importante de l’inflammation et une amélioration des fonctions sensori-motrices.

 Un essai clinique basé  sur la vitamine D

François  Féron  (Aix  Marseille  Université,  France) a  fait  part  des  travaux  de  son  équipe  sur  le  rôle bénéfique de la vitamine D dans le trauma médullaire. Dans une première étude, il a été montré que la supplémentation en vitamine D3 (cholécalciférol) de rats ayant subi une compression de la moelle épinière  au  niveau  thoracique  T10,  induisait  une amélioration significative de la fréquence respiratoire et de la spasticité. Dans une deuxième étude, basée sur un modèle rat d’hémisection cervicale (C2),  l’administration  hebdomadaire  de  cholécalciférol a provoqué une très nette amélioration  de  la  locomotion  ainsi  qu’une  augmentation du nombre d’axones traversant la zone de lésion. Cela a conduit le Professeur Pierre-Hugues Roche,  neurochirurgien  au  CHU  de  Marseille,  à mettre en place un essai clinique multicentrique de phase  II,  randomisé  et  mené  en  double  aveugle. Cet  essai,  qui  concernera  environ  60  patients, avec blessure complète, devrait démarrer d’ici la fin 2013 et est soutenue financièrement par l’IRME ainsi que l’ancienne fondation Demain Debout (voir La Lettre de l’IRME n° 40).

Transférer des gènes pour limiter la douleur

David Fink et Marina Mata (tous deux à l’Université du Michigan, Ann Arbor, USA) se sont attachés à démontrer que la douleur post-traumatisme pouvait être réduite en bloquant l’expression de gènes impliqués dans la neurotransmission nociceptive*. Pour  ce  faire,  ils  utilisent  des  virus  (rendus  incapables de se répliquer) qui, une fois injectés dans le corps, vont introduire un ou des gènes d’intérêt* dans des cellules cibles. Ils ont ainsi montré que l’inoculation  du  vecteur  codant pour la  Glutamic Acid Decarboxylase (GAD), une enzyme qui participe à la fabrication du neurotransmetteur GABA, dans  des  rats  avec  une  hémisection  médullaire, réduit  l’allodynie*  mécanique  et  l’hyperalgésie* thermique résultant de la lésion. Le groupe Mata / Fink  utilise  actuellement  une  stratégie  similaire de libération ciblée pour favoriser la régénération des fibres ascendantes et descendantes, après un trauma médullaire. Ils cherchent à activer l’expression  de  Rho  GTPases  afin  d’améliorer  la  croissance  de  l’axone.  Les  premiers  résultats  font état d’une régénération neuronale à travers la zone lésée et une amélioration de la coordination sensori-motrice de la patte du rat.

 Comment renforcer les bénéfices de l’exercice physique  ?

Une kinésithérapie intensive est souvent bénéfique mais celle-ci est surtout efficace chez les enfants. Cela est en partie dû au manque de plasticité de la  moelle  épinière  adulte.  Victor  Arvanian  (Northport Veterans Affairs Medical Center et Université Stonybrook,  NY,  USA)  développe  de  nouveaux traitements pour renforcer la transmission et promouvoir la plasticité de la moelle épinière endommagée. Ses principaux axes de recherche sont :

1) l’identification  et  la  neutralisation  des  facteurs inhibiteurs de la conduction axonale,

2) l’administration de neurotrophines pour améliorer la plasticité et la re-myélinisation,

3) l’activation  des  entrées  synaptiques  des  neurones spinaux et des récepteurs membranaires qui deviennent silencieux après une blessure,

4) une combinaison de ces traitements avec des exercices de réadaptation.

Pour  ce  faire,  le  groupe  d’Arvanian  utilise des vecteurs viraux qui ont pour but de neutraliser les effets de NG2, un facteur inhibiteur de la cicatrice gliale. Ce travail est mené en collaboration avec le Dr Joel Levine et le PENN Vector Core (Université de Pennsylvanie, USA). Leurs premières données indiquent que la neutralisation de NG2 améliore la  transmission  nerveuse  et  la  fonction  locomotrice, et ce d’autant plus qu’une stimulation électromagnétique est associée au traitement.

 La transplantation de cellules souches neurales

1. Un essai clinique avec des cellules souches neurales humaines 

Armin  Curt  (Balgrist  University  Hospital,  Zurich, Suisse)  a  présenté  un  essai  clinique  de  thérapie cellulaire basé  sur  l’injection  de  cellules souches neurales  humaines  (produit  par  StemCells  Inc) chez des patients paraplégiques, avec des blessures complètes (ASIA A) ou incomplètes (jusqu’à ASIA  C).  Plutôt  que  de  s’intéresser  à  l’amélioration du score ASIA qui, selon lui, ne sont pas nécessairement toujours pertinents, il a choisi des mesures  électrophysiologiques  destinées à évaluer  la  transmission  des  impulsions  à  travers le site de la lésion. Cet essai mesure les changements  dans  la  sensation,  la  fonction motrice et le fonctionnement de la vessie et de l’intestin.

2. Les cellules souches neurales dans un modèle rat de traumatisme médullaire

Armin Blesch (Hôpital universitaire de Heidelberg, Allemagne) a présenté un travail, mené en collaboration avec Paul Lu et Mark Tuszynski (Université de  Californie  à  San  Diego,  USA),  montrant  que les  cellules  souches  neurales  greffées  dans  un modèle rat de transsection médullaire (niveau T4) favorisent  la  croissance  axonale  sur  une  grande distance et permettent de reconstruire des circuits spinaux endommagés. Le groupe a comparé les cellules souches neurales issues du tronc cérébral et celles provenant de la moelle épinière. Huit semaines après la greffe, seules les cellules souches du tronc cérébral ont induit une récupération complète  des  paramètres  cardiovasculaires  et  une amélioration de la dysréflexie autonome du colon. Ainsi,  la  différenciation  des  cellules  souches neurales dans les phénotypes appropriés et la génération de relais neuronaux  permettent  d’envisager  l’amélioration  des  fonctions motrices et autonomes.

3. Les cellules souches neurales dans des modèles souris de traumatisme médullaire

Kinichi  Nakashima  (Université  de Kyushu,  Fukuoka,  Japon)  a,  de son côté, montré qu’une molécule antiépileptique  connue,  l’acide valproïque,  améliore  la  différenciation des cellules souches neurales. Il a alors choisi d’associer l’acide valproïque à la greffe de cellules  souches  neurales  dans un  modèle  souris  de  traumatisme  médullaire.  Il  a  observé que la différenciation et la locomotion  des  animaux  étaient améliorées  par  le  traitement pharmacologique. Dans un second temps, ce chercheur a présenté des travaux indiquant que la xéno-transplantation  de  cellules  souches  neurales  humaines, dérivées  de  cellules  souches  pluripotentes induites  (iPS),  donnait  des  résultats  positifs chez  des  souris  nude  (souris  dont  le  système immunitaire est aboli) ayant subi un traumatisme médullaire.

 Conclusion

Au  cours  de  cette  conférence,  plusieurs  approches  thérapeutiques  innovantes  –  nouveaux médicaments  et  biomatériaux,  greffes  de  tissus et de cellules, thérapie génique, entraînement, stimulation électromagnétique – ont été minutieusement décrits. De nombreuses informations ont été partagées, offrant à chacun au moins une bonne raison de demeurer optimiste. Toutefois, les participants ont mis en garde contre l’idée d’un remède miracle pour traiter un problème aussi complexe que le trauma médullaire. Ils se sont en revanche entendus  sur  l’idée  que  les  futures  thérapies associeront  probablement  plusieurs  traitements, délivrées de manière concomitante ou au contraire séquentielle. La fondation Step by Step a annoncé qu’elle organiserait une nouvelle conférence internationale en 2015.