EPFL : Les équipes de Grégoire Courtine apportent un nouvel espoir

On assiste depuis quelques années à des progrès significatifs dans le domaine des  neuroprothèses,  c’est-à-dire  de  dispositifs  composés  de  capteurs,  de connexions et de puces électroniques implantés dans le corps pour pallier des handicaps. La volonté de refaire marcher des personnes paralysées au moyen d’implants corticaux et spinaux !

La transmission des informations aux muscles

À terme, les recherches sur ces interfaces pourront restituer  une  certaine  autonomie  aux  personnes paralysées. L’évolution des recherches consiste à se passer des appendices robotisés et à restaurer le  mouvement chez  des  patients  blessés médullaires. La solution ne passera donc plus par une interface cerveau-machine mais par une interface cerveau-muscles  ou  cerveau-moelle  épinière  (en dessous de la lésion). L’idée consiste en quelque sorte à rétablir le circuit initial en se servant de ce qu’on  appelle  des  neuroprothèses. Il  s’agit  d’un système grâce auquel les ordres sont enregistrés dans les neurones du cerveau, décodés, interprétés et transmis aux muscles.

e-Dura : l’implant qui se greffe sur la moelle épinière

implants_courtineCette  première  qui  fait  l’objet  d’une  publication dans Science, l’implant neuronal « e-Dura » ouvre  une  nouvelle  voie  dans  les  possibles thérapies des lésions de la moelle épinière. Ce dispositif s’applique directement sur la moelle épinière sans l’endommager.

Les  scientifiques  de  l’EPFL  savent  rétablir  la marche volontaire  chez  des  rats  paralysés,  en combinant  stimulations  électriques  et  chimiques. Mais pour appliquer cette méthode à l’homme, ils ont  besoin  d’implants  multifonctionnels que  l’on puisse installer à long terme sur la moelle épinière, sans  l’endommager.  C’est  exactement  ce  qu’ont développé  les  équipes  de  Stéphanie  Lacour  et Grégoire Courtine. Leur implant e-Dura est conçu pour  s’appliquer  précisément  à  la  surface  de  la moelle  ou  du  cerveau.  Capable  de  délivrer  à  la fois des impulsions électriques et des substances pharmacologiques, ce petit dispositif imite presque à l’identique les propriétés mécaniques des tissus vivants.  Les  risques  secondaires  de  rejet  ou  de lésion sont drastiquement réduits.

Pour l’heure, les implants dits « de surface » butent face à un obstacle. Ils ne peuvent pas être appliqués à long terme directement sur le cerveau ou la moelle, sous l’enveloppe protectrice du système nerveux  central  appelée  « dure-mère ».  En  bougeant ou en s’étirant, les tissus nerveux se frottent au dispositif, trop rigide. Après quelque temps, ces frictions répétées entraînent iinflammations, tissus cicatriciels, réactions immunes ou rejets.

Un implant qui s’intègre  en douceur

Souple  et  étirable,  le  dispositif  mis  au  point  à l’EPFL  est  placé  sous  la  dure-mère,  directement sur la moelle épinière. Son élasticité et son potentiel de déformation sont pratiquement identiques au tissu vivant sous lequel il est logé. De la sorte, frottements et inflammations sont réduits au minimum. Implanté chez des rats, le prototype e-Dura ne  provoque  aucune  lésion  ni  rejet  et  ce,  après deux mois. Un laps de temps suffisant pour que les  prototypes  classiques,  plus  rigides,  endommagent radicalement les tissus nerveux. « Le matériel  habituellement  utilisé,  plus rigide et cassant, ne réagit pas aux mouvements et distorsions  des  tissus  nerveux,  ce  qui  provoque  régulièrement  des  frictions,  des  inflammations  et  des rejets de l’implant, explique Stéphanie Lacour. Pour e-Dura,  nous  nous  sommes  inspirés  de  la  dure-mère pour créer une structure plus élastique, qui épouse la moelle et s’adapte à ses mouvements. »

Les chercheurs ont pu tester le dispositif, notamment en appliquant leur protocole de réhabilitation, à même de faire remarcher des rats paralysés, qui combine  stimulations  électriques  et  chimiques. Non seulement l’implant a fait preuve de sa biocompatibilité, mais il a également rempli son office. Les rongeurs regagnaient leur aptitude à la marche après quelques semaines d’entraînement.

Toute la question était de savoir si cette technique pouvait être appliquée aussi à l’homme, mais cela nécessitait donc qu’elle puisse être employée sur le long terme.

« Notre implant e-Dura peut résider à long terme sur la moelle épinière ou sur le cortex, précisément parce  qu’il  a  les  mêmes  propriétés  mécaniques que la dure-mère naturelle. Cela ouvre de nouvelles possibilités thérapeutiques pour des patients souffrant de troubles ou traumatismes neurologiques, notamment les personnes paralysées suite à une lésion médullaire », explique Stéphanie Lacour,  co-auteure et titulaire à l’EPFL de la Chaire Bertarelli de technologie neuroprosthétique.

La souplesse du vivant, les performances de l’électronique

L’implant  e-Dura  a  nécessité  de  véritables prouesses  d’ingénierie.  Tout  en  étant  souple  et étirable  comme  un  tissu  vivant,  il  comporte  des éléments  électroniques  à  même  de  stimuler  la moelle,  sous  la  lésion  médullaire.  Le  substrat  de silicone est parcouru de pistes électriques, faites d’or craquelé et étirables à souhait. Les électrodes consistent  en  un  composite  totalement  innovant de silicone et de microbilles de platine. Elles peuvent être déformées dans toutes les directions, tout en assurant une conductivité électrique optimale. Enfin, un canal microfluidique permet d’administrer des substances pharmacologiques – des neurotransmetteurs – qui ont pour but de réveiller les cellules nerveuses sous la lésion.

Lorsqu’on veut pallier à certaines déficiences avec des dispositifs neuroprosthétiques, on est conduit à les mettre en contact avec le cerveau ou la moelle épinière, sous l’enveloppe protectrice du système nerveux central appelé « dure-mère », une membrane fibreuse dure et rigide qui adhère à l’os et protège le cerveau et la moelle épinière.

Or, du fait des mouvements de l’individu équipé d’une prothèse, il se produit des frottements entraînant de l’inflammation et même des réactions de rejet. L’implant e-Dura peut résider à long terme sur la moelle épinière ou sur le cortex, précisément parce qu’il a les mêmes propriétés mécaniques que la dure-mère naturelle.

L’implant peut également être utilisé pour surveiller en direct les impulsions du cerveau lui-même. De la sorte, les chercheurs ont pu extraire avec précision l’intention motrice de l’animal avant qu’elle ne se traduise en mouvement.

« Il s’agit du premier implant neuronal de sur-face  conçu  dès  l’origine  pour  être  appliqué  à long terme. Pour le réaliser, nous avons dû conjuguer un nombre considérable d’expertises et  de savoir-faire, explique Grégoire Courtine, co-auteur et titulaire à l’EPFL de la Chaire IRP en réparation de  la  moelle  épinière. Cela  va  des  matériaux  à l’électronique,  en  passant  par  les  neurosciences, la  médecine, la  programmation  d’algorithmes… Je  ne  crois  pas  qu’il  y  ait  beaucoup  d’endroits dans  le  monde  où  l’on  atteint  le  niveau  de  collaboration  interdisciplinaire  de  notre  Centre  de neuroprothèses. »

Pour l’heure, l’implant est relié au monde extérieur  par  une  série  de  fils  fixés  sous  la  peau et  reliés  à  un  connecteur.  Ceux-ci  permettent d’amener  un  médicament  et  du  courant  à  la surface de la moelle. Combinées, ces stimulations chimique et électrique permettent au rat de retrouver sa mobilité. « L’étape suivante sera  de  se  passer  des  fils,  à  l’image  d’un  pacemaker »,  continue  la  chercheuse. 

Les  deux  chercheurs ont la ferme intention de s’acheminer vers des essais cliniques sur l’homme, « ce qui n’interviendra probablement pas avant une  décennie », prévient Stéphanie Lacour.

Il  n’est  pas  encore  possible  de  refaire  marcher un  paraplégique,  mais  l’implant  souple  que  des chercheurs  de  l’École  polytechnique  fédérale  de Lausanne (EPFL) ont mis au point est peut-être un pas de plus dans cette direction.

La grande difficulté de cette technique tient au fait que, même si l’on ne s’en aperçoit pas, la plupart des gestes courants mettent en jeu plusieurs muscles. Pour évoluer en trois dimensions, c’est  une combinaison complexe de contractions musculaires qu’il faut ainsi réaliser et coordonner.

Il faut bien sûr mettre beaucoup de bémols à ces expériences médiatisées. On n’est toujours pas dans un mouvement en trois dimensions. L’amplitude des mouvements est relativement faible, de l’ordre de la dizaine de centimètres et les gestes à effectuer sont simples. Il faut prendre en compte les problèmes de rigidité ou d’atrophie musculaire que l’on peut rencontrer chez les personnes paraplégiques ou tétraplégiques.

L’approche est néanmoins intéressante qui met en lumière que le membre paralysé, considéré comme définitivement inerte, dispose toujours de sa capacité de mobilisation si tant est qu’on réussisse à lui transmettre les messages du cerveau.

Comment ça marche ?

La solution a consisté à mettre au point un substrat de silicone parcouru de pistes électriques faites d’or craquelé ainsi que de nouvelles électrodes formées de microbilles de platine constituant ensemble un implant souple et étirable, tout en conservant intact son fonctionnement. Les composants électroniques qu’il contient permettant de stimuler électriquement la moelle épinière ainsi qu’un canal microfluidique  libérant localement sur demande des neurotransmetteurs. Cela permet donc de mettre en pratique d’une nouvelle façon, une technique déjà testée, élaborée depuis quelques années par les chercheurs de l’EPFL et qui avait permis à des rats paralysés de retrouver une certaine capacité à courir, franchir des obstacles et monter des marches au bout de deux mois d’un traitement électrochimique similaire. Il ne s’agissait pas d’une restauration définitive de la mobilité des membres inférieurs, car l’emploi du traitement devait être maintenu pour réaliser ces performances.

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