Rapport annuel ALARME

Résumé du projet : NOUVELLE INTERFACE SPINALE QUI RETABLIE LE CONTROLE DES JAMBES APRES UNE LESION COMPLETE DE LA MOELLE EPINIERE

Problème : A l’heure actuelle, les champs d’électrodes utilisés pour la neuromodulation de la moelle épinière lombaire afin de faciliter les activités motrices ne sont pas optimisées à l’anatomie de la moelle épinière humaine. En conséquence, ces champs d’électrodes ne permettent pas d’accéder à toutes les régions de la moelle épinière qui sont impliquées dans le contrôle des muscles des jambes, ce qui limite l’efficacité de la stimulation électrique épidurale pour faciliter la marche des patients
médullo-lésés.

Objectif : Nous avons développé une nouvelle interface spinale avec des électrodes dont la configuration spatiale est spécifiquement adaptée à la neuromodulation de la moelle épinière lombosacrée. Cette électrode a été testée chez deux patients présentant une lésion cliniquement complète de la moelle épinière (AIS-A). Après quelques jours d’optimisation, les deux patients furent capables de récupérer un contrôle volontaire de la marche. Nous proposons de continuer la validation thérapeutique de ces champs d’électrodes chez les deux patients implantés en évaluant l’impact de
la réhabilitation, et de rajouter un patient supplémentaire à cette étude afin d’obtenir assez de données cliniques pour soutenir une phase de déploiement plus large de cette technologie.

Contexte : Une lésion de la moelle épinière interrompt la communication entre le cerveau et la moelle épinière, ce qui mène à de nombreuses altérations neurologiques comme la perte des fonctions motrices,
sensorielles et autonomiques ainsi qu’une altération dramatique de la qualité de vie. Récemment, plusieurs études ont montré le potentiel de la stimulation électrique épidurale appliquée au niveau lombaire de la moelle épinière, qui permet le rétablissement d’un contrôle moteur et de la
marche après une lésion de la moelle épinière. En particulier, nous avons montré dans une première étude sur l’humain, appelée STIMO (STImulation Movement Overground) et de faisabilité clinique, que la stimulation électrique épidurale contrôlée spatiotemporellement et combinée à un entrainement intensif impliquant une assistance pour le poids du corps promeut la récupération du contrôle moteur volontaire chez des individus
avec une lésion de la moelle épinière chronique, même en absence de stimulation. (Wagner et al., 2018) (Fig. 1).

La stimulation électrique épidurale (SEE) recrute des fibres afférentes de large diamètre dans les racines postérieures, ce qui mène à la modulation des pools de motoneurones via l’activation de circuits de rétrocontrôle proprioceptifs. Cibler individuellement les racines postérieures permet la modulation spécifique des pools de motoneurones de chaque segment spinal innervés par chaque racine, et mène donc à l’activation des muscles des jambes correspondants. Cependant, la variabilité inter-sujet concernant le pattern d’innervation des différents muscles de la jambe, et la spécificité spatiale limitée due aux champs d’électrodes actuellement disponibles, empêchent le déploiement à grande échelle clinique de cette technologie. En particulier, à la fois nos études post-mortem et nos expériences cliniques dans le contexte de STIMO ont montré que les champs d’électrodes utilisés (Specify 5-6-5, Medtronic) ne permettent pas d’atteindre toutes les racines postérieures lombosacrées dans la population générale. Chez la plupart des individus, un compromis est nécessaire pour atteindre la plupart des racines rostrales et caudales d’intérêt, respectivement les racines postérieures L1 et S2. Chez certains sujets, nous avons remarqué que nous ne pouvions avoir seulement accès aux racines entre L2 et L5 avec le champ d’électrodes utilisé. Pour pallier ces limitations, nous avons combiné les données anatomiques issues de nos expériences post-mortem avec l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et les données électrophysiologiques de l’étude STIMO pour concevoir un nouveau champ d’électrodes permettant le ciblage optimal de toutes les racines postérieures situées entre L1 et S2, dans la population globale. La nouvelle disposition spatiale des 16 électrodes a permis de concevoir un nouveau champ d’électrode appelée Go2 lead. Cette interface spinale mesure environ 1cm de plus que la précédente, et les électrodes sont plus latéralisées afin d’obtenir une activation plus spécifique des racines postérieures.

Objectifs et étapes du projet Les objectifs du projet sont les suivants :

1) Comparer la capacité des deux champs d’électrodes (Specify 5-6-5, Medtronic, and Go 2) à activer sélectivement les racines postérieures lombosacrées chez les participants de l’étude STIMO

2) Utiliser le nouveau champ d’électrodes pour évaluer la capacité à développer des programmes de stimulation ciblant les trois fonctionnalités de la démarche humaine : flexion de la jambe, acceptation du poids (i.e. extension du genou) et propulsion (i.e extension de la cheville et de la hanche)

3) Exposer la capacité de ces nouveaux programmes de stimulation à soutenir l’entrainement locomoteur de patients présentant des lésions cliniquement complètes de la moelle épinière

Ces trois objectifs seront confirmés avec un minimum de 3 patients. Pour chaque participant, nous prévoyons d’atteindre les 3 étapes suivantes :

Etape 1 : Modèle computationnel personnalisé basé sur l’IRM, guidant le placement du champ d’électrodes Nous avons déjà établi une plateforme computationnelle qui supporte la création semi-automatisée de modèles computationnels hybrides à partir des données haute-résolution en IRM de chaque patient. Ces modèles combinent des modèles d’éléments finis tridimensionnels géométriques et personnalisés de la moelle épinière lombosacrée avec des modèles réalistes de compartiment de câbles, et des modèles de circuits de rétrocontrôle proprioceptif. Nous avons établi une pipeline computationnelle pour obtenir la carte des propriétés d’anisotropie du tissu, discrétiser le modèle, stimuler en utilisant un solveur électro-quasi-statique, et coupler ces stimulations avec des modèles électrophysiologiques basés sur NEURON. Cette pipeline computationnelle peut déterminer le site optimal pour l’implantation du champ d’électrodes, prédire la spécificité de l’implant, et découvrir des configurations effectives des électrodes (Fig. 2). En amont de l’implantation chirurgicale de chaque patient, nous exploiterons cette plateforme pour connaitre l’emplacement optimal pour les champs d’électrodes Specify 5-6-5 et Go2

Etape 2 : Comparaison peropératoire des champs d’électrodes Chez chaque patient, nous comparerons de manière péropératoire la capacité de chaque champ d’électrodes à cibler les racines lombosacrées entre L1 et S2. A cette fin, nous ferons du neuromonitorage selon notre procédure standard, i.e. mesurerons les réponses électromyographiques (EMG) du muscle de la jambe en réponse aux pulses SEE répétés à très faible fréquence (0,5 Hz). Nous enregistrerons les réponses EMG bilatéralement du iliopsoas, du rectus femoris, du vastus lateralis, du semitendinosus, du tibialis anterior, du gastrocnemius medialis et du soleus. Nous ferons des enregistrements à plusieurs localisations autour de la position optimale prédite par notre pipeline computationnelle. Nous testerons d’abord l’interface Specify 5-6-5 puis Go2. La Fig. 3 montre les différences géométriques entre ces deux champs d’électrodes et leur test initial en post-mortem.

Etape 3 : Restaurer les motifs naturels de la marche chez des patients souffrant de LME sévère, en utilisant les nouveaux champs d’électrodes Enfin, nous testerons la capacité du nouveau champ d’électrodes pour restaurer les motifs naturels de la marche chez des patients souffrant de lésion de la moelle épinière affectant totalement les capacités motrices (ASIA Impairment Scale A and B). Ces participants ne montrent aucune fonction motrice résiduelle. Ainsi, les trois fonctionnalités de la marche humaine (balance, acceptance du poids, propulsion) doivent être totalement rétablies par la stimulation (Fig. 4). Ceci nécessite l’accès à au moins 4 racines dorsales : L1, L3, L4 et S1. Les racines L1 et L4 sont toutes les deux requises pour produire la flexion de la jambe entière (synergie entre flexion de la hanche, du genou, et dorsiflexion de la cheville). La racine L3 est nécessaire pour l’activation des extenseurs du genou, et pour permettre l’acceptance de poids pendant la phase d’appui. Finalement la racine S1 est nécessaire pour la phase de propulsion du cycle de la marche, avec activation des flexeurs plantaires de la cheville et des extenseurs de la hanche. Dans certains sujets implantés avec le champ Specify 5-6-5, certaines de ces racines n’ont pas pu être atteintes, ce qui résulta en une activation du pattern incomplète des muscles pendant la démarche. L’évolution des capacités motrices des patients sera suivie tout au long de la durée de l’entrainement, qui s’étend sur une période de 6 mois.

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