Des souris paralysées, à cause d’une lésion de la moelle épinière, peuvent remarcher
PAR JACQUELINE CHARPENTIER · PUBLIÉ 20 JUILLET 2018 · MIS À JOUR 19 JUILLET 2018
Un médicament composé de petites molécules réactive les voies nerveuses dormantes et il pourrait compléter les stratégies régénératrices. Ce sont des pistes intéressantes contre la paralysie provoquée par une lésion de la moelle épinière.
La plupart des personnes ayant une lésion de la moelle épinière sont paralysées sur le site de la lésion, même si le cordon n’est pas complètement sectionné. Pourquoi les parties épargnées de la moelle épinière ne continuent-elles pas à fonctionner ? Les chercheurs de l’Hôpital pour enfants de Boston expliquent désormais pourquoi ces voies nerveuses restent dormantes. Ils montrent également qu’un composé de petite molécule, administré par voie systémique, peut ranimer ces circuits chez des souris paralysées, en leur redonnant la capacité de marcher.
L’étude, menée par Zhigang He, PhD, à Boston Children’s F.M. Kirby Neurobiology Center, a été publié par la revue Cell. Pour ce type de lésion de la moelle épinière assez sévère, c’est la récupération fonctionnelle la plus importante que nous connaissions selon He. Nous avons vu 80 % des souris traitées qui ont récupéré leur capacité de progression avec ce composé.
- Réactiver les circuits spinaux dormants
De nombreuses études sur les animaux, qui cherchent à réparer les lésions de la moelle épinière, se sont concentrées sur la régénération des fibres nerveuses, ou des axones, ou sur l’obtention de nouveaux axones à partir de germes sains. Alors qu’on a progressé sur la régénération et la germination des axones, leurs impacts sur la fonction motrice des animaux après une blessure grave sont moins évidents. Certaines études ont essayé d’utiliser des neuromodulateurs tels que les médicaments sérotoninergiques pour simuler les circuits rachidiens, mais ils n’ont obtenu que des mouvements transitoires et incontrôlés des membres.
He et ses collègues ont adopté une autre approche, inspirée par le succès des stratégies basées sur la stimulation électrique péridurale, le seul traitement connu pour être efficace chez les patients atteints d’une lésion de la moelle épinière. Ce traitement applique un courant à la partie inférieure de la moelle épinière ; Combinée à une formation en réadaptation, elle a permis à certains patients de reprendre du mouvement.
La stimulation épidurale semble affecter l’excitabilité des neurones explique He. Cependant, dans ces études, lorsque vous désactivez la stimulation, l’effet disparait. Nous avons essayé de trouver une approche pharmacologique pour imiter la stimulation et mieux comprendre comment cela fonctionne.
He, le premier auteur Bo Chen et ses collègues ont sélectionné des composés qui sont déjà connus pour modifier l’excitabilité des neurones et sont capables de franchir la barrière hémato-encéphalique. Ils ont donné chaque composé à des souris paralysées par groupes de 10 par injection intrapéritonéale. Toutes les souris ont eu une lésion sévère de la moelle épinière, mais avec certains nerfs intacts. Chaque groupe (plus un groupe témoin ayant reçu un placebo) a été traité pendant huit à dix semaines.
- Inhiber l’inhibition en réactivant KCC2
Un composé, appelé CLP290, a eu l’effet le plus puissant, permettant aux souris paralysées de retrouver leur capacité de marcher après quatre à cinq semaines de traitement. Les enregistrements électromyographiques ont montré que les deux groupes pertinents de muscles du membre postérieur étaient actifs. Les scores de marche des animaux sont restés plus élevés que ceux des témoins jusqu’à deux semaines après l’arrêt du traitement. Les effets secondaires étaient minimes.
CLP290 est connu pour activer une protéine appelée KCC2, trouvée dans les membranes cellulaires, qui transporte le chlorure hors des neurones. La nouvelle recherche montre que les neurones inhibiteurs dans la moelle épinière lésée sont cruciaux pour la récupération de la fonction motrice. Après une lésion de la moelle épinière, ces neurones produisent nettement moins de KCC2. En conséquence, He et ses collègues ont découvert qu’ils ne peuvent pas répondre correctement aux signaux du cerveau. Incapables de traiter les signaux inhibiteurs, ils ne répondent qu’aux signaux excitateurs qui leur indiquent de continuer le processus d’activation. Et puisque les signaux de ces neurones sont inhibiteurs, le résultat est une signalisation inhibitrice trop importante dans le circuit rachidien global. En effet, les commandes du cerveau, disant aux membres de bouger, ne sont pas relayées.
En restaurant KCC2, avec soit CLP290 ou des techniques génétiques, les neurones inhibiteurs peuvent à nouveau recevoir des signaux inhibiteurs du cerveau. Cela déplace le circuit global vers l’excitation, le rendant plus sensible à l’entrée provenant du cerveau. Cela a eu pour effet de réanimer les circuits spinaux désactivés par la blessure. La restauration de l’inhibition permettra à tout le système d’être excité plus facilement. On ne veut ni d’une trop grande excitation, ni une trop grande inhibition, il faut vraiment avoir un équilibre, ce qui n’a pas été démontré de manière rigoureuse dans les lésions de la moelle épinière auparavant.
- Un traitement combiné ?
He et ses collègues étudient maintenant d’autres composés qui agissent comme des agonistes KCC2. Ils estiment que de tels médicaments, ou peut-être une thérapie génique pour restaurer KCC2, pourraient être combinés avec une stimulation épidurale pour maximiser la fonction du patient après une lésion de la moelle épinière.
Nous sommes très excités par cette direction selon le chercheur. Nous voulons tester ce type de traitement dans un modèle plus cliniquement pertinent de lésion de la moelle épinière et mieux comprendre comment fonctionnent les agonistes KCC2.
Source :
https://actualite.housseniawriting.com/sante/2018/07/20/des-souris-paralysees-a-cause-dune-lesion-de-la-moelle-epiniere-peuvent-remarcher/27365/