
Petite réflexion que je viens vous soumettre suite à ma lecture d’un article paru dans le Science & vie du mois.
En ces temps de disette monétaire pour la recherche et d’attente de notre part… ça me laisse un poil songeur…
J’dirais presque que ça friserait le malaise…

Loin de moi l’idée de jeter la pierre sur nos façons Française de faire, tout n’est pas inutile, mais… tout n’est, peut-être, pas non plus à cautionner…
À vous de juger :
Extrait du compte-rendu de la journée d’information sur les traumatismes médullaires
Montpellier 17 novembre 2007Dr. PRIVAT
"
Peu à peu, nous travaillons en recherche fondamentale pour modifier un certain nombre de conceptions que nous avons ; nous acquérons de nouveaux outils qui nous permettent d’aller plus loin sur des modèles animaux ; nous améliorons les modèles animaux pour essayer de mimer le plus près possible ce qui peut se passer chez un patient. Tout cela est coûteux en temps et en argent. Il serait totalement irresponsable d’opérer des patients aujourd’hui, alors que nous sommes en train de bâtir quelque chose de solide. "
Extrait de l’article du Science & vie d’avril 2008 sur les expérimentations animales« …C'était le 13 mars 2006. Une date à marquer d'une pierre noire dans l'histoire de l'expérimentation animale moderne. Ce jour-là, sur le site du Northwick Park Hospital, à Londres, huit volontaires en parfaite santé reçoivent l'un après l'autre, à dix minutes d'intervalle, une injection contenant soit un placebo, soit la première dose jamais testée sur l'humain d'un traitement au fonctionnement inédit: un "superanticorps".
Testé avec succès sur des rongeurs et sur des non-rongeurs – comme l'exige la loi européenne sur le médicament -, le produit TGN 1412 a notamment montré sur 1’animal des signes d'efficacité contre plusieurs maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques ou des formes de leucémie. Pourtant, dans l'heure et demie qui suit la première injection, six volontaires vont frôler la mort, victimes d'une défaillance multivicérale. Les deux seuls volontaires indemnes sont ceux qui ont reçu le placebo ...
Que s'est-il passé ? C'est simple: le TGN 1412 n'a pas fonctionné de la même façon chez l'homme et chez l'animal !
Chez ce dernier, l'anticorps initiait un mécanisme rétablissant une libération modérée de cytokines, messagers chimiques du système immunitaire. Mais chez l'homme, la machine s'est emballée: les cobayes humains ont été victimes de ce que les médecins ont appelé une "tempête de cytokines" se retournant violemment contre l'organisme.
"
C'était totalement imprévisible au vu des résultats sur l'animal", reconnaît Dominique Masset, responsable des essais précliniques à l'Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Cette terrible mésaventure n'est pas qu'anecdotique. Au contraire, elle est révélatrice d'un malaise qui, en ce début de XXIe siècle, apparaît de plus en plus perceptible dans le domaine de l'expérimentation animale. Un malaise non pas éthique ou moral, mais bel et bien scientifique: alors que cette pratique est le pilier de tant de grandes découvertes de la biologie et de la médecine depuis l'Antiquité, voici qu'elle semble aujourd'hui rencontrer ses propres limites. Au point que les innovations thérapeutiques sont à présent de plus en plus souvent bloquées au stade de la paillasse des laboratoires, comme le reconnaissent les firmes pharmaceutiques elles-mêmes.
La mécanique qui semblait si bien huilée serait-elle grippée?
Une chose est sûre: les scientifiques se trouvent actuellement confrontés à des dilemmes inédits. De plus en plus raffinés, leurs nouveaux postulats thérapeutiques établis sur l'animal restent souvent invérifiables chez l'homme.
Soit parce qu'ils sont trop spécifiques de l'espèce testée, soit parce qu'ils exposent les premiers cobayes humains à de grands dangers insoupçonnés jusqu'alors. En un mot, le passage de l'animal à l'homme révèle désormais des failles qu'il n'est plus possible d'ignorer.
"L'accident" de mars 2006 aura au moins eu le mérite d'accélérer cette prise de conscience. Désormais, la première administration humaine de molécule inaugurant un nouveau mécanisme d'action se fait sur un seul volontaire à la fois, avec un intervalle de temps suffisant pour voir apparaître des effets inattendus avant de pratiquer une deuxième administration. Et ainsi de suite. Une manière de parer au plus pressé: "
Cette précaution n'empêchera certainement pas tous les accidents", concède Dominique Masser
D'autant plus "
qu'en France, ce sont des dizaines de traitements expérimentaux contre des maladies jusqu'ici incurables ou difficilement contrôlables comme l'Alzheimer, les myopathies ou des cancers qui attendent dans les antichambres des essais cliniques", précise Philippe Moullier, spécialiste en thérapie génique et cellulaires (Inserm, Nantes). Or, les modèles animaux utilisés pour les mettre au point n'assurent ni de leur efficacité ni de leur innocuité, même s'ils ont été élaborés sur des animaux génétiquement manipulés pour mimer la maladie.
Le cas des thérapies géniques est ici exemplaire. Des virus modifiés pour transporter un gène au cœur du génome des cellules malades de l'animal y réussissent parfaitement. .. alors qu'ils peuvent s'en révéler incapables chez l'homme.
"
Il peut même arriver qu'il provoque des dégâts inattendus, comme ce fut le cas des fameux essais sur les bébés-bulle en France, ces enfants atteints d'un déficit immunitaire d'origine génétique. Certains ont fini par développer une maladie proche de la leucémie après avoir été traités tandis que d'autres ont pu être guéris " souligne Philippe Moullier. "
En bref, nous sommes de plus en plus confrontés à une situation paradoxale car ces protocoles peuvent se révéler miraculeux pour une espèce, mais nous ne pouvons tout au plus en retirer que des indications fortes d'une possible réussite chez l'homme. "
Bien mince aux yeux de la science, du principe de précaution et ... des firmes phamlaceutiques qui doivent investir des dizaines de millions d'euros avant d'aboutir à la commercialisation d'un seul médicament.
Ce qui est vrai pour des méthodes radicalement nouvelles l'est aussi pour des approches plus classiques. Comme l'illustre le travail réalisé par Denis Corpet, spécialiste du cancer du côlon (Inra, Toulouse). Après avoir trouvé un moyen de protéger les rats contre le cancer du côlon via une simple cure d'un laxatif classiquement utilisé en pharmacie, le chercheur s'apprêtait à développer des essais cliniques avec l'aide d'un laboratoire privé. Voulant s'assurer de la rigueur de ses résultats, il décide toutefois de les reproduire sur la souris. Et là, mauvaise surprise: l'effet s'avère exactement inverse, les animaux traités développant plus de cancers que les autres! "
Qui disait vrai pour l'homme ? La souris ou le rat ? " s'interroge Denis Corpet. "
Avec deux modèles animaux qui se contredisent, ;e me retrouve au milieu du gué incapable de trancher. Alors oui, il arrive parfois que l'expérimentation animale se révèle bien incapable de nous éclairer. "
Dans l'espoir d'y voir plus clair, le Health and Environmental Sciences Institute (HESI), organisme international rassemblant autorités sanitaires, scientifiques et industriels a été chargé dans les années 1990 de surveiller la valeur prédictive des tests menés sur les animaux en matière de toxicologie.
"
L'un des principaux soucis porte sur les médicaments issus des biotechnologies " concède Nancy Claude, membre de L'HESl. "
Il faut par exemple reconnaître que la détection de certains effets comme ceux d'origine immunoallergiques ne sont tout simplement pas prédits chez l'animal par manque de modèle pertinent. Nous attendons de nouvelles méthodes pour prendre le relais des essais sur l'animal. "
Depuis 1998, l'HESI a mis au point une base de données visant à regarder systématiquement si les animaux ont pu prédire les effets toxiques constatés chez l'homme.
"
Pour l'instant, nos données reposent surtout sur des médicaments classiques et il en ressort que de 25 à 30 % des effets secondaires apparus chez l'homme n'ont pu être détectés lors des essais animaux ", explique Nancy Claude.
Derrière ce résultat global se cache cependant de grandes disparités selon l'organe oule système touché et selon la gravité de l'effet toxique constaté. Ainsi, on sait par exemple que les effets secondaires hématologiques, quel que soit le produit testé, sont prédits à 91 %, les cardiovasculaires à 80 % mais que les effets cutanés ou ophtalmologiques ne le sont que de 35 à 50 %.
"
Le point le plus noir reste sans nul doute la toxicité hépatique " reprend Nancy Claude. "
Avec seulement un cas sur deux repéré et des effets secondaires qui peuvent être vraiment graves, c'est le cauchemar des toxicologues. "… »
JP :hein: