Un paraplégique à la conquête du grand large
Parce qu'il ne voulait plus rester à quai à Dinard, Luc L'Hottelier, paraplégique, a fait aménager un prototype de bateau qu'il pilote sans aide.
Le prototype de 8 mètres, Le Sphinx, a fait rugir pour la première fois cette semaine son moteur de 300 chevaux, pour être présenté à Saint-Malo au départ de la Route du Rhum. « Je n'ai fait que trois fois du bateau en 18 ans. Quand vous voyez tout le monde sur la flotte, il est dur de rester sur le quai. », explique Luc L'Hottelier, 44 ans, originaire de la station balnéaire de Dinard. Mais partir en bateau lorsqu'on est paraplégique relève de l'expédition : il faut mobiliser cinq personnes.
Ce fils d'un commandant de marine s'est vite rendu compte de la difficulté à naviguer lorsque, à l'âge de 25 ans, un accident de voiture l'a privé de l'usage de ses deux jambes.
C'est pourquoi, il y a un an et demi, il se met en tête de concevoir un bateau permettant à un handicapé de prendre la mer en toute autonomie, avec la complicité d'un ingénieur motoriste, Pascal Thibault.
Plateau élévateur
Après plusieurs mois de recherche, ils trouvent la coque de leurs rêves qui, grâce à son poids d'une tonne et demi, garantit une grande stabilité. Ils se creusent ensuite les méninges pour l'aménagement : c'est un fauteuil de dentiste qui fait office de poste de pilotage.
« Il permet au pilote en fauteuil roulant d'être comme une personne debout et de voir ce qui se passe au démarrage. Puis, lorsque le bateau déjauge, le fauteuil se rebaisse ».
Un plateau élévateur spécial et une passerelle permettent de monter à bord du Sphinx, dont le plancher a été rehaussé.
Luc L'Hottelier ne souhaite pas garder son bateau pour son seul plaisir, « afin de ne pas en faire un projet égoïste ». « Après mon accident, à l'âge de 25 ans, cela m'aurait boosté si l'on m'avait proposé de faire une semaine en mer pendant ma rééducation ».
A la disposition de tous
Le navire à la coque bleue et blanche sera donc mis à la disposition d'autres handicapés pour leur faire découvrir « les plaisirs de la mer ». Les plus assidus pourront passer le permis bateau car « le but est que les gens le conduisent, pas qu'ils se contentent d'une promenade », résume le chef d'entreprise.
Une association, Dinard Handicap Nautisme, a été créée, avec l'appui de la mairie de Dinard, pour aider les handicapés à passer ce permis.
La fabrication du prototype permet en outre de faire « prendre conscience aux constructeurs qu'il est possible d'équiper des bateaux », espère Luc L'Hottelier. Environ 700 heures de travail, un investissement de près de 40.000 euros et le soutien d'une trentaine de personnes ont été nécessaires pour permettre au Sphinx de naviguer.