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« le: 22 novembre 2005 à 11:23:50 »
grégory part aujourd'hui pour un gréve de la faim devant matignon donc si vous pouvez-vous faire quelquechose pour lui ce serait bien venu ;)
voici son histoire:
"Partiellement tétraplégique, Grégory Perrin a réussi l'exploit de devenir opérateur financier dans une grande banque. Depuis trois mois, pourtant, il ne peut plus travailler, faute de trouver l'aide médicale dont il a besoin matin et soir
C'est un garçon discret, un héros discret. Il le serait resté si un coup du sort enrageant et inacceptable - l'impossibilité totale de trouver aujourd'hui un(e) infirmier(ère) pour une heure et demie de soins quotidiens - ne le clouait chez sa mère depuis trois mois. Quand sa moto quitte la route en juin 1990, Grégory Perrin, « fan d'enduro », a 17 ans. La moto est alors sa grande passion et il s'apprête à passer un BEP d'électronique. L'accident le laisse partiellement tétraplégique, sans l'usage de ses jambes ni de ses mains, sans but, sans avenir. Il ne garde qu'une mobilité limitée de ses bras. A l'hôpital, un médecin bien inspiré lui lance alors : « Ton corps est mort mais pas ta tête, tu peux t'en sortir. » Le grand déclic pour Grégory. « Quand il m'a dit ça,j'ai regardé autour de moi. J'ai pris conscience que beaucoup n'avaient pas retrouvé toutes leurs facultés mentales, moi si. » Et malgré ses 18 ans, malgré son fauteuil roulant, il décide de réaliser son autre passion : « Depuis toujours, je rêvais de devenir trader. Très jeune, j'ai eu un ordinateur et j'adorais les jeux de simulation, notamment sur la Bourse. J'étais fasciné par la tension, l'aspect ludique de ce métier. »
Il lui faut, bien sûr, commencer par décrocher son bachot. Grégory prépare le bac de français par correspondance, puis postule pour entrer en première d'adaptation. Grâce à une baguette fixée à ses poignets, il peut utiliser un ordinateur. Petit problème : dans la ville la plus proche, Roanne, aucun lycée n'est équipé pour l'accueillir... « Heureusement je suis tombé sur quelqu'un qui a trouvé cela pas acceptable.C'est toujours comme ça, grâce à des personnes de bonne volonté, que les choses avancent. » En effet l'intendant du lycée décide de faire installer aussitôt la rampe électrique nécessaire sur le budget du lycée, plutôt que d'attendre une hypothétique subvention. Un investissement de 340 000 francs de l'époque. La première année, un jeune voisin accepte de le conduire chaque jour au lycée dans le vieux van acheté pour pouvoir transporter son fauteuil. Ensuite ce sont des chauffeurs de taxi qui viennent chez lui à Pouilly-sous-Charlieu, conduisent son van jusqu'à Roanne et retournent prendre leur voiture. « Dès le début, ça a été difficile de trouver une infirmière, d'organiser mes déplacements, j'ai tout résolu moi-même, avec des bricolages plus ou moins acrobatiques... » Première d'adaptation, puis terminale G : deux ans plus tard, Grégory, bac en poche, s'inscrit en sciences économiques à l'université de Lyon-II.
Une filière où, à tout point de vue, venant d'un BEP puis d'un bac technologique, il fait figure d'anomalie statistique. « Un prof de maths à l'université m'a annoncé qu'avec un bac G, dans ce deug, le taux de réussite était de 1% ! » Pour couronner le tout, il lui faut encore trouver un logement à Lyon, une infirmière pour l'aider à se préparer matin et soir - à l'époque, la pénurie de personnel soignant ne fait que commencer -, quelqu'un pour l'amener à la fac, etc. Grégory décroche son deug, puis sa licence et sa maîtrise. « J'ai bossé comme un fou, je voulais absolument travailler sur les marchés. » Mais pour devenir trader, un métier où les places sont très chères, il est encore loin du compte, il lui faut d'abord trouver un bon stage. Il en décroche un à la BNP à Paris par la force des choses, puisque c'est là que sont les salles des marchés. Et Grégory se lance dans trois mois de navette quotidienne Lyon-Paris en TGV. La vocation décidément chevillée au corps, il part ensuite pour Marseille car le DESS finance d'Aix-Marseille a retenu sa candidature. Une fois de plus, il lui faut trouver un logement, un conducteur pour ses déplacements et, à nouveau, une infirmière. Tout roule jusqu'aux vacances de Noël : « Quand je suis rentré, le cabinet infirmier où j'étais inscrit m'avait rayé de ses listes, ils n'avaient pas compris que j'étais en vacances ! » Résultat, il est obligé de retourner chez ses parents, le temps de retrouver une infirmière. Deux mois sans pouvoir aller en cours. Grégory décroche quand même son diplôme, avec mention.
Après un nouveau stage à Paris, il est recruté au Crédit lyonnais : « Ils ont vraiment passé outre à mon handicap ; à aucun moment je n'ai senti que cela pouvait représenter un obstacle. » Il trouve le métier à la hauteur de ses rêves et s'y sent comme un poisson dans l'eau, apprécié par ses collègues et son employeur : « Quand le Lyonnais a été racheté par le Crédit agricole, j'ai suivi avec toute mon équipe dans leur nouvelle filiale, sans souci ; récemment on m'a même proposé de partir à Londres. » Il s'installe à Paris, trouve - seul toujours ou aidé par ses amis - un appartement, un infirmier, organise ses trajets quotidiens.
La belle histoire aurait dû continuer. Mais en juin, son infirmier lui annonce son départ à la retraite. « Au début, je ne me suis pas paniqué, j'ai décidé de consacrer mes vacances à trouver un ou une remplaçante. » Grégory bat le rappel de tous les cabinets parisiens d'infirmiers de son quartier, de Paris, les associations, les services sociaux, sans résultat. On lui propose des auxiliaires de vie, mais son état nécessite des soins techniques que seul un professionnel de santé peut prodiguer. Et à la pénurie d'infirmières, qui devient ingérable en région parisienne, s'ajoutent ses contraintes horaires. « En salle des marchés, on travaille en fonction des horaires de la Bourse, je dois donc arriver très tôt le matin », explique-t-il. Il multiplie les courriers aux responsables politiques, au ministre en charge des personnes handicapés, au député de sa région d'origine et, bien sûr, au président de la République, qui a fait de l'insertion des handicapés l'une des priorités nationales...
Rien n'y fait. Depuis le 5 juillet, Grégory ne peut plus travailler. « J'ai tout essayé, tout envisagé, même de monter un cabinet d'infirmier ! » Contraint de retourner chez sa mère, à Pouilly-sous-Charlieu, il ne décolère pas : « Quand je travaille, je ne perçois pas la moindre allocation et je paie des impôts. Si je restais durablement à ne rien faire, j'ai calculé que le manque à gagner fiscal et les aides que l'Etat devrait me verser coûteraient 30 000 euros par an à la collectivité ! » Les responsables politiques contactés l'ont tous poliment renvoyé aux « services compétents ». Pénélope Komitès, adjointe au maire de Paris, en charge des personnes handicapées, constate : « Il manque aujourd'hui environ 6 000 infirmiers rien que sur Paris. » Elle assure qu'« une solution va être trouvée ». On l'espère, en se disant qu'il ne fait franchement pas bon avoir besoin de soins à domicile par les temps qui courent, que l'on souffre d'un handicap ou plus banalement du grand âge.
Véronique Radier "