C'est demain !
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Joe Kals s’attaque à la tour Eiffel
Paraplégique, Joe Kals se lance des défis sportifs exceptionnels pour médiatiser le combat d’une vie : la recherche sur la section de la moelle épinière. Il va gravir les 1665 marches de la Dame de fer, à la seule force de ses bras, samedi prochain à 10h. Entretien.
- Vous êtes connu pour vos exploits sportifs hors normes. Comment vous est venue l’idée d’accomplir de telles performances ?
Elles ne sont pas exceptionnelles, mais uniques au monde. Tout est parti d’une rencontre avec un coach sportif et un médecin. Quand j’ai eu mon accident de moto en 1982, le personnel soignant m’a dit que la médecine allait très vite faire des progrès sur les recherches concernant la moelle épinière. Les médecins assuraient déjà réussir à faire remarcher des souris - avec moelle épinière sectionnée - et qu’une solution pour l’homme serait trouvée d’ici dix ans. En France, la médecine oriente l’avenir des paraplégiques-tétraplégiques vers le port d’un exosquelette *. Dans vingt ans, on verra des gens marcher avec, tels des robots ! Je pense que l’humain et la société n’ont absolument pas conscience des conséquences d’une section de la moelle épinière. Ce n’est pas seulement être assis dans un fauteuil roulant, il y a tous les dysfonctionnements à côté, comme l’incontinence. Il est très difficile de trouver des toilettes accessibles pour handicapés. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les escaliers et les trottoirs qui constituent la première accessibilité.
* structure mécanique qui double celle du squelette humain et lui confère des capacités physiques qu'il n'a pas ou plus
- Comment vous préparez-vous physiquement à un tel exploit ?
Traverser la France, partir de la Manche pour rejoindre la Méditerranée relevait de l’impensable. Je fais du cardio-training avec un pédalier plusieurs fois par semaine. L’entrainement du Havre-Menton est complètement différent de celui de la tour Eiffel. Cette fois-ci, je serai accompagné de mon coach sportif et de mon médecin. Samedi prochain, je vais utiliser une béquille et tenir la rampe pour monter une à une les marches. Elle est 15 cm plus haute que celle que j’utilise habituellement. Le mouvement provoque un effet de levier qui me permet de me soulever. A ce moment-là, je suis à la verticale, dans le vide, et quand je me retrouve à la hauteur de la marche suivante, je glisse sur elle. Tout le travail se fait dans les triceps.
- Et mentalement ?
Lors de mes séances de cardio, je dois faire le vide. Je travaille beaucoup à l’hypnose avec mon médecin aussi. Cette pratique est indispensable tant l’effort est colossal. Quand j’ai traversé la France, je parcourais 10 kilomètres chaque jour, soit l’équivalent de 10000 pompes.
- Pourquoi avoir choisi la tour Eiffel ?
Pour la symbolique, en partie. Ce projet me tient particulièrement à cœur et j’espère qu’il donnera de l’impact à mon discours. C’est un monument public donc il a été difficile d’obtenir des autorisations. Je pensais qu’un accord de principe serait suffisant. Ça a été plus compliqué que prévu car ce n’est pas une démarche professionnelle au vu de mon handicap. J’ai contacté beaucoup de multinationales qui m’encourageaient mais le projet ne rentrait pas dans le cadre de leur communication d’entreprise. Je conçois que l’image d’un handicapé n’est pas très vendeur.
- Quel est l’impact sur l’opinion publique ?
Lorsque je faisais les essais pour l’ascension de la tour Eiffel, je devais m’écarter dès que quelqu’un passait à côté de moi parce que je prenais de la place. Les européens, gênés, me regardaient du coin de l’œil alors que les anglo-saxons m’encourageaient avec entrain. Les mentalités diffèrent d’un pays à l’autre.
La paraplégie-tétraplégie n’a pas une image valorisante au sein d’une société qui ne suit pas le progrès de la médecine. La société ne donne pas de solution aux gens en situation de paraplégie-tétraplégie pour les aider à mener une existence normale. De fait, être un citoyen lambda est quasiment impossible. Il y a une incompréhension générale face à mes défis sportifs, au rythme de vie que je me m’impose et à ce que j’inflige à mon organisme.
La première chose que me dit une personne lorsqu’elle me rencontre est : « C’est très bien ce que vous faites pour les handicapés ! » Je lui réponds toujours que je ne fais pas ça pour les handicapés, mais pour elle ! Les gens ont du mal à imaginer que ça peut leur arriver à eux aussi.
- Vous souhaitez alerter le monde de la recherche scientifique. Où en êtes-vous ?
En 2012, lorsque j’ai rallié à l’aide de béquilles le Havre à Menton - soit 1325 km - seuls des médecins canadiens sont entrés en contact avec moi pour me féliciter. En France, les répercussions de cet événement n’ont eu qu’un impact local alors que chaque humain est concerné par la section de la moelle épinière. Actuellement, 3 millions de personnes vivent avec ce handicap dans le monde. Mon discours s’est assagi depuis deux ans. Toutes les pensées négatives m’aident à me surpasser maintenant.
J’aime à dire que c’est un combat pour l’humain de demain. La paraplégie-tétraplégie doit être placée au même titre que le cancer ou le sida dans le domaine de la recherche. Elle doit juste devenir une étape transitoire de réparation pour remettre les gens debout, et leur permettre de continuer à vivre dignement. Voilà pourquoi j’entreprends l’ascension de la tour Eiffel.
Source :
http://www.paris.fr/accueil/sport/joe-kals-un-combat-pour-l-humain-de-demain/rub_9631_actu_151089_port_23699